Une vie de cheminot… (Partie 1/3)

Ca n’a échappé à personne, une partie de la population revient régulièrement sur les « avantages » des cheminots qui sont tour à tour taxés de « privilégiés » ou de « nantis ». On voit également fréquemment ressurgir des documents tournant sur Internet affichant des chiffres plutôt faux que vrais mais qui participent à entretenir certains mythes sur le statut des travailleurs de la SNCF.

N’ayant rien à cacher, je vous livre ici ma situation personnelle afin que vous puissiez vous faire une idée des avantages et des inconvénients des cheminots. Le but de ce blog étant avant tout de vous faire découvrir un peu l’envers du décors, j’en profite aussi pour vous montrer ce qu’a été mon parcours depuis l’embauche.

  • Dîplomes …

Pour certains, et même si je ne partage pas ce point de vue, les diplômes devraient jouer un rôle déterminant dans le salaire. Prenons donc le temps d’en parler. Pour mon métier d’agent mouvement, la SNCF embauche des personnes entre le BEP et le BAC. Pour ce qui est de mon cas, mon plus haut diplôme est un BAC littéraire.

Avant d’entrer à la SNCF, j’ai travaillé comme technicien informatique entre 1997 et 2009.

  • Début de carrière… 

J’ai donc été recruté en 2009 suite à une démarche volontaire de ma part. Il était temps pour moi de faire autre chose que de rester assis dans un bureau toute la journée mais aussi d’avoir le bonheur d’être payé pour passer mes journées en gare. Effectivement, depuis quelques années, le chemin de fer, c’était mon hobby avec du temps passé à photographier les trains autour de chez moi et un peu de modélisme.

A 32 ans, j’ai été recruté au « cadre permanent », c’est à dire au statut. Normalement, au dessus de 30 ans, la SNCF embauche en CDI (donc au régime général de sécurité sociale, de retraite et d’assurance chômage) mais une année de dérogation par enfant est accordée. Je suis donc passé de justesse.

Au cadre permanent, le nouvel embauché a le statut d’attaché. Pendant une période de trois ans, il peut être muté d’office ailleurs dans sa région de rattachement. Pour mon cas, la région de Chambéry couvre les département de l’Ain, de l’Isère, de la Savoie et de la haute Savoie. Potentiellement, pendant trois ans, on peut donc passer de Modane près de la frontière italienne, à Ambérieu, à 50 kilomètres de Lyon.

Embauché en tant qu’attaché, on est payé en dessous du niveau normal d’un cheminot en poste. A l’entrée, on est trois positions de la grille de salaire en dessous du niveau normal pour le poste auquel on est destiné. Cela correspond à environ 150€ nets mensuels de moins. Chaque année, l’attaché prend une position soit environ 50€ nets. Cette prise de position peut être retardée ou avancée en fonction des performances du nouvel embauché. Au bout de 3 ans, on est donc « détaché » sur son poste (finies les mutations d’office) et à son niveau de rémunération normal. On intègre donc le système d’évolution de carrière de la SNCF qui est basé sur une notation individuelle associée à une prise en compte de l’ancienneté.

Au statut, parallèlement à ce cursus d’attaché, l’agent doit observer une période d’essai d’une durée de douze mois.

Les métiers de la SNCF étant bien particuliers, l’entreprise forme elle même son personnel. J’ai donc commencé par trois mois et demi de formation ponctués d’évaluations et clos par un examen d’une journée. Ce test final est éliminatoire. En cas d’échec, c’est la fin de la période d’essai. Ce peut être également le cas en cours de formation si les résultats aux évaluations intermédiaires sont trop insuffisants.

Pas évident de retourner à l’école quand on bosse depuis 12 ans mais, quand on est là parce qu’on l’a voulu et qu’un échec serait l’occasion de connaître le Pôle Emploi pour la première fois, on se motive et on sort premier de la promo. Oui, je suis très modeste mais, en même temps, c’était bien la première fois que j’étais premier de ma classe alors je suis content « et pi c’est tout » !

En parallèle à la formation, j’attendais de connaître mon affectation. Je ne l’ai su qu’à un mois de la fin de la formation et malgré la bonne volonté de l’entreprise qui avait essayé de me trouver un poste pas trop éloigné de chez moi, il a fallu déménager. Pas simple quand on est propriétaire et que l’on doit se prendre une location en catastrophe. Bilan, 3 ans et une crise immobilière après, je paye toujours le crédit de ma maison qui ne se vend pas en plus de ma location à proximité du boulot. Pas une bonne affaire financière.

  • En poste… enfin presque :

Après la formation théorique, il est temps de passer à la découverte de son poste de travail. En règle générale, pour un premier poste, on considère que la formation pratique doit durer un mois. On commence souvent par une semaine à tourner en journée (les horaires de bureau) pour faire un tour d’horizon rapide et attaquer doucement la lecture de la réglementation locale ainsi que des documents spécifiques au poste.

On enchaine ensuite par trois semaines où l’on suit les différents horaires de roulement histoire d’avoir vu 24h de la vie de son poste.

Cette formation pratique se termine par une petite journée d’interrogation par son supérieur direct. Elle porte sur la réglementation générale et sur les particularités du poste. Si elle s’avère concluante, on se voit délivrer son autorisation de fonction, sorte de permis de conduire le poste sur lequel on est affecté. Cette autorisation de fonction est à durée limitée et est à avoir avec soit systématiquement car elle peut être vérifiée par les contrôles de sécurité internes de la SNCF ou de l’EPSF (Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire).

  • En poste… mais pas encore le bon :

Et voila, quatre mois après mon embauche et 8 après mon premier entretien, je suis aiguilleur et j’ai 64 leviers pour moi tout seul :
Mais ce n’est pas du définitif ! Je suis en effet affecté sur ce poste en attendant d’être formé à la vente et de pouvoir enfin prendre mes fonctions dans ma gare d’attache.

Pendant trois mois, je vais donc faire partie des heureux cheminots qui ne font que du 2×8. Le poste d’aiguilleur n’est en effet pas tenu de nuit. Le travail est donc organisé en roulement 2×8 (4h30-12h30 ou 12h30-20h30), 7 jours sur 7.

Je découvre donc la joie des réveils à 3h. Moi qui m’imaginais rentrer à la maison vers 13h pour manger rapidement afin de profiter de l’après midi, il m’arrive bien souvent d’aller au lit directement pour des siestes de trois ou quatre heures. Premier contact avec la réalité : pas évident !

Après trois mois sur ce poste temporaire où j’observe l’agent circulation afin d’être fin prêt pour le moment où j’assurerai seul cette fonction, la formation à la vente arrive enfin.

Trois semaines en salle de cours avec une évaluation finale puis une semaine de pratique derrière un guichet. Pas passionnant mais pas inintéressant non plus. Bref, ça, c’est fait.

  • En poste… pour de bon !

La formation à la vente achevée, on enchaine par trois semaines de formation au poste et le passage de l’habilitation sur le poste qui m’était réservé. Dix mois presque jour pour jour après mon embauche, je fais ma première journée à mon compte, seul pour gérer la gare et le guichet. Le genre de moment que l’on appréhende un peu et dont l’on ressort content de soi et rassuré sur sa capacité à faire le job.

Sur cette gare, le boulot est également en 2×8 (6h15-13h15 ou 13h15-21h45 en semaine et 13h15-22h45 le weekend). Là, aucun problème avec le sommeil, surtout en habitant à 15 minutes de marche.

  • Evolutions…

Après un an, le commissionnement arrive finalement bien vite mais, si l’on sait que la période d’essai est terminée, reste le statut d’attaché qui pourrait nous valoir une mutation. On se sent donc en sécurité mais pas tant que ça.

Après deux ans, j’ai eu la chance d’avoir une belle opportunité à saisir avec un poste qui se libérait sur la gare d’à côté, poste qui me donnait la possibilité de sortir de mon cursus d’attaché avec une qualification supérieure à celle prévue. Une très bonne affaire d’autant que la norme est plutôt d’attendre sept ou huit ans pour décrocher cette évolution.

Et voila pour cette première partie qui vous permet de voir un peu le déroulement d’un début de carrière relativement classique. Dans la deuxième partie, j’entrerai donc dans le vif du sujet : les avantages et inconvénients pour un cheminot installé dans son poste.

La deuxième partie est en ligne PAR ICI.