Du gras partout : le quotidien du graisseur.

Si on vous parle d’un métier où l’on passe sa journée dans le gras, vous penserez vite à votre garagiste ou au McDonald’s du coin et pourtant, loin des ateliers d’entretien du matériel roulant, des cheminots passent du temps dans le gras.

Il est en effet nécessaire de graisser les aiguilles régulièrement. Selon la fréquence de leur utilisation, le graissage est à effectuer une ou deux fois par mois. Cette tâche est attribuée à des agents différents selon les organisations locales. Sur ma région, elle est effectuée par les aiguilleurs ou un graisseur qui passe de gare en gare.

  • Mais le graissage, en quoi ça consiste ?

Pour le savoir, regardons de plus près une aiguille :

AiguilleEn jaune, les lames de l’aiguille. Selon leur position, elles feront passer les trains dans une direction ou l’autre. Ici, la lame de gauche est collé au rail, un train empruntant cette aiguille sera donc dirigé tout droit.

En vert, une partie de la tringlerie. Reliée directement à un levier, courant le long des voies jusqu’à un poste d’aiguillage ou manoeuvrée par un moteur, elle permet de déplacer les lames de l’aiguille.

En rouge, les réchauffeurs. Alimentés électriquement ou fonctionnant au gaz, ils chauffent les parties du rail sur lesquelles les lames de l’aiguilles viennent s’appliquer. Utilisés en cas de neige, ils permettent d’éviter que de la glace ne se forme entre le rail et les lames. La formation de glace pourrait bloquer l’aiguille dans sa position ou empêcher qu’elle ne se mette correctement en place lors d’une manoeuvre.

En bleu, les coussins sur lesquels glissent les lames de l’aiguille lorsqu’elle est manoeuvrée.

Ce sont ces coussins qui doivent être graissés afin que l’aiguille fonctionne correctement. En cas de manque de graisse, elle peut effectivement devenir difficile à tourner voir rester bloquée, perturbant ou empêchant la circulation des trains.

Coussins
De gauche à droite et de haut en bas : un cousin sale, un cousin après nettoyage, la graisse neuve venant d’être déposée.

Le graisseur est donc équipé d’une spatule utilisée pour gratter la vieille graisse. Ceci fait, il applique la nouvelle à l’aide d’une pompe. L’aiguille est ensuite tournée dans l’autre position afin de nettoyer et graisser la partie des cousins qui était sous les lames. Il ne reste plus qu’à procéder à quelques allez et retour de l’aiguille afin que les lames étalent correctement la graisse neuve sur les coussins.

Les outils du graisseur
La spatule et la pompe à graisse

En fonction de leur vitesse de franchissement par les trains, les aiguilles sont plus ou moins longues et comportent donc plus ou moins de coussins. Le temps de graissage d’une aiguille peut donc varier d’une vingtaine de minute pour les plus courtes à trois quarts d’heure pour les longues aiguilles à coeur mobile utilisées sur les lignes à grande vitesse.

  • Et on fait ça comme ça pendant que les trains roulent ?

Et oui, comme la plupart des travaux, on graisse pendant que les trains roulent. Enfin, pas fou, on fait ça entre deux trains. Il n’est pas question d’aller sur la voie en ayant juste les horaires des trains prévus. Il suffirait d’un train en retard ou en avance sur son horaire pour que l’on passe dessous. Hors de question de faire courir un tel risque aux graisseurs.

Une protection est donc prévue. La protection se fait selon trois modes :

– Par fermeture des signaux :

Sur les lignes où il y a peu de circulation et quand le graisseur est l’aiguilleur, le graissage se fait dans un trou suffisamment important entre deux trains. L’aiguilleur ferme alors tous les signaux de sa gare et part effectuer le graissage.

– Par la présence d’un annonceur :

L’agent effectuant graissage travaille alors sous la protection d’un autre agent qui est en charge de surveiller l’arrivée des trains qu’il signale en soufflant dans une trompe.

Le graisseur sort alors de la voie avec son matériel le temps du passage du train.

– Par la mise en place d’une protection :

Le graisseur se présente à l’aiguilleur et pose une DPGR (Demande de Protection GRaissage). Cette demande est faite à l’aide d’un carnet permettant de préciser la zone sur laquelle le graisseur souhaite intervenir et la durée prévisible de son intervention.

Suite à cette demande, et si elle est compatible avec la circulation des trains, l’aiguilleur va alors mettre en place des DA (Dispositifs d’Attention) dans son poste. De couleur rouge, ces dispositifs interdisent la manoeuvre de certaines aiguilles, signaux ou commandes d’itinéraires. Cela fait, l’aiguilleur s’assure que les zones protégées sont libres de tout train. Il peut alors autoriser l’intervention du graisseur. Cette autorisation est également donnée au moyen du carnet de DPGR.

Aiguilleur
Les outils de l’aiguilleur : le carnet de DPGR, la radio pour contacter le graisseur et les DA en place sur les commandes d’itinéraire et certains commutateurs de fermeture de signaux.

Le graisseur peut alors travailler en ayant la certitude qu’il sera protégé de l’arrivée d’un train.

Lorsque la durée prévue de son intervention est écoulée, le graisseur reprend contact avec l’aiguilleur pour l’autoriser à lever la protection accordée suite à la DPGR.

Tant que cette demande n’aura pas été levée, l’aiguilleur maintiendra les DA en place et ne fera donc passer aucun train sur la partie de voie protégée.

Les outils du graisseur
Les outils du graisseur : la pompe à graisse à porter sur le dos, le carnet de DPGR et la radio.

Bien souvent, pendant sa tournée de graissage, l’agent est également chargé de la vérification des détonateurs mais ça, c’est une autre histoire…