Les facilités de circulation: explications et réflexion…

Et c’est reparti pour un tour, nos facilités de circulation sont à la une de l’actualité de ce 11 Février 2014. A l’origine de ce petit succès, un rapport de la cour des comptes qui pointe leur coût forcément « trop élevé ».

Les facilités de circulation, c’est quoi, d’où ça vient, ça concerne qui ?

BilletsLes facilités de circulation, ce sont des tarifs préférentiels accordés aux cheminots et à certains membres de leur famille. Leur mise en place date des anciennes compagnies de chemin de fer qui existaient avant la création de la SNCF. Elles vont doucement sur leur centaine d’années. On notera donc que, comme notre statut et notre caisse de retraite,  ce n’est pas un truc inventé par un organisme public mais par des entreprises privées qui y trouvaient donc forcément leur compte. Elles ont été créées pour compenser et faciliter la mobilité géographique des cheminots.

Sont donc concernés, le cheminot, actif ou retraité, son conjoint (marié, pacsé ou en concubinage déclaré depuis plus d’un an), ses enfants (jusqu’à 21 ans), ses parents et grand-parents ainsi que ceux de son conjoint. C’est tout ! Les cousins, oncles, frères, copains ne sont pas concernés contrairement à ce que j’ai pu lire.

Techniquement, ces facilités de circulation se présentent sous la forme d’une carte pour le cheminot et de coupons nominatifs pour les ayants droit. La carte et les coupons doivent être accompagnés d’une pièce d’identité et de billets au bon tarif pour permettre l’accès au train. Contrairement à ce que j’ai aussi pu lire, il est donc impossible de les céder à n’importe qui. Seul l’ayant droit ou le cheminot peuvent utiliser les facilités qui leurs sont accordées.

Pour le cheminot, les facilités de circulation accordent la gratuité totale sur les trains sans réservation obligatoire (TER, partie SNCF du RER, certains Intercités). Pour les trains à réservation obligatoire (TGV et certains Intercités), nous devons nous acquitter du paiement de la réservation soit 1,50€ en période normale ou 8,90€ en période de pointe. Par an, nous disposons de 8 dispenses du paiement de la réservation.

Du côté des ayants droits, notre conjoint et nos enfants disposent d’une réduction de 90% sur tous les trains ainsi que de 16 trajets gratuits dans l’année. Ils doivent par contre toujours payer la réservation sur les trains où elle est obligatoire.

Du côté de nos ascendants et de ceux de notre conjoint, ils disposent de 4 dispenses de paiement valables du premier train emprunté jusqu’au surlendemain à midi. Ils payent systématiquement la réservation pour les trains où elle est obligatoire.

Dit comme ça, ça fait beaucoup et on s’imagine que ça va doit coûter une fortune à la SNCF et c’est ce que laisse entendre la cour des comptes.

Combien ça coûte ?

Photo CC : donaldtownsend - Flickr
Photo CC : donaldtownsend – Flickr

Mais au fait, quel est t’il ce coût ? C’est bien là, le problème, ils sont bien infoutus de le dire et pour cause c’est impossible à calculer.

Effectivement, comment savoir s’il y a un manque à gagner ? Quand un cheminot ou un ayant droit réserve une place, qu’est ce qui prouve qu’elle aurait été réservée par un client ? La question mérite d’être posée. Je ne prends le train qu’une ou deux fois l’an et j’ai toujours eu horreur du monde. Je vise donc toujours des trains à des heures où ils sont peu chargés. Quand je suis dans une voiture TGV remplie à 50%, en quoi le fait que je ne paye que ma réservation constitue un manque à gagner pour la SNCF ? Au contraire, les 1,50€ que je débourse, même tout petits, constituent une recette supplémentaire.

Il m’est arrivé de devoir prendre le train en heure de pointe. J’ai le souvenir cuisant d’un Paris – Mâcon TGV plein comme un œuf. Là, effectivement, ma réservation en période de pointe à 8,90€ génère une perte pour la SNCF. Problème, comment calculer cette perte ? Avec le yield management, impossible de savoir combien mon siège se serait vendu. Aurait il été acheté au tarif prem’s à 20€ ou en dernière minute à 81€ ? Bien malin qui pourra le dire !

Voila donc le rapport de la cour des comptes qui avance une fourchette allant de 50 à plus de 100 millions d’euros. Comme dirait l’autre : »Ca, c’est pas une fourchette. C’est un râteau ! »

Qui paye ?

Evidemment, comme à chaque fois que le cas des cheminots est évoqué, certains hurlent à la dépense inconsidérée de leurs impôts. Mais qui paye ? Les clients de la SNCF. L’EPIC SNCF, s’il est propriété de l’état, tire ses revenus de ses contrats commerciaux que ce soit le billet du particulier qui prend le TGV, le contrat du chargeur qui fait transporter sa marchandise en train ou celui du conseil régional qui délègue le TER à l’entreprise. Rappelons le, les seuls chèques que l’état fait à la SNCF ne sont que des compensations pour les tarifs réduits qu’il oblige la SNCF à accorder à certaines populations. On parle ici des tarifs réduits des militaires, des parlementaires, des accompagnateurs de personnes handicapées, des familles nombreuses, des abonnements de travail,…

Ce sont donc les clients de la SNCF qui payent, comme les clients des constructeurs automobile payent les réductions des salariés sur l’achat de leurs véhicules personnels. Comme les clients payent les tarifs préférentiels et/ou gratuités des employés de la grande distribution, des banques, des opérateurs de téléphonie, bref de toutes les entreprises qui accordent des facilités à leurs salariés et elles le font presque toutes.

Élevé ou pas, ça a tout de même un coût !

Pas sûr car il faut voir les choses dans leur globalité. L’entreprise est nationale. Nous sommes donc souvent embauchés sur des postes loin de chez nous. Si nous l’acceptons c’est aussi parce que nous savons que nous pourrons facilement voir notre famille grâce aux facilités de circulation. Qui acceptera encore cela si elles disparaissent ? Ce recrutement large a par ailleurs un avantage pour l’entreprise : pouvoir aller chercher les bons profils pour un poste même si les candidats ne sont pas dans le même bassin d’emploi. Cela facilite donc grandement le recrutement.

D’une manière générale, quand on signe à la SNCF, on sait qu’on va subir des contraintes et qu’en contrepartie, on aura des avantages. Les facilités de circulation, en plus de nous permettre de maintenir un lien familial correct, sont une compensation au mode de calcul de nos salaires. En effet, il est moins favorable que celui appliqué dans le régime général. Entre les Dimanches/Fériés et les heures de nuit moins majorés qu’ailleurs, nous perdons de l’argent tous les moins. Ça aussi, nous l’acceptons parce que nous avons des compensations dont les facilités de circulation font partie. Bref, le régime social des cheminots, ce sont certes des avantages mais ils sont à mettre en face d’inconvénients. Toute vision sur nous qui ne tiendrait compte que des uns sans parler des autres serait fausse et se révèle bien souvent militante. Je l’ai déjà dit et écrit, entre nos plus et nos moins, au global, on n’est ni mieux ni moins bien traités que les autres salariés mais revenons à nos facilités de circulation.

Bonne année 2013

L’air de rien, lâcher des voyages à tarifs très réduits coûte certainement moins à l’entreprise que de devoir nous payer sur les mêmes bases que tout le monde. Dans ce cas, peut on vraiment affirmer que les facilités de circulations représentent un coût ? Il y a plutôt de grosses chances pour que ce coût cache en fait de belles économies sur la masse salariale des cheminots. L’entreprise y trouve également son compte en se facilitant le recrutement et la mobilité (nationale, rappelons le) des cheminots.

Dans ce contexte, la cour des comptes devrait faire preuve de prudence car la remise en cause des facilités de circulation pourrait bien être une fausse économie. Souvenons nous que les concessions effectuées par le gouvernement lors de la dernière réforme de notre système de retraite ont mené à une hausse de la masse salariale de l’entreprise car les cheminots n’étaient plus mis à la retraite d’office (et ils sont maintenant nombreux à faire des années supplémentaires) et bénéficiaient d’un échelon supérieur dans la grille des salaires.

Faire encore des « économies » qui se transforment en dépense supplémentaire tout en générant de la frustration chez les cheminots n’est pas forcément ce qu’il y a de plus malin à faire.