L’embauche…

Je lis souvent que la SNCF n’a qu’à embaucher, qu’elle n’embauche que sur piston, qu’il faut avoir la bonne carte syndicale pour être pris et des tas d’autres choses sur le processus de recrutement. Loin des fantasmes, voici la petite histoire de mon embauche.

  • Octobre 2008, la candidature.

Octobre 2008, trop c’est trop ! Je m’emmerde à mourir dans mon job. Aucune perspective d’évolution vu que les postes supérieurs sont externalisés. Quand je suis entré, il y a presque neufs ans, je faisais un vrai boulot de technicien. Les mains dans le cambouis, le cerveau fumant. Depuis, on a tout standardisé, plus question de réfléchir ou de prendre la moindre initiative : électro-encéphalogramme plat ! Il est temps d’aller voir ailleurs !

Photo licence CC - BY-NC-SA : IRDEP par Gilles Renou, Frédérique Donsanti, Sébastien Delbos
Photo licence CC – BY-NC-SA : IRDEP par Gilles Renou, Frédérique Donsanti, Sébastien Delbos

10h30, mon boulot de la journée terminé (oui, dans le privé, on bosse très dur), je consulte le site de l’ANPE. Pas mal de recrutements de techniciens informatique mais rien qui ne retienne spécialement mon attention. Autre idée, chercher des postes près de chez moi. Après tout, si je peux m’économiser les 1h30 de trajet du matin et les 1h30 de trajet du soir, je suis prêt à faire à peu près tout et n’importe quoi. Le confort et la vie de famille, ça n’a pas de prix. Dans ma petite ville, rien ou des temps partiels vraiment pas assez payés pour faire face aux factures. Tant pis.

Et puis je pense à un copain, également passionné de chemin de fer, qui, quelques mois plus tôt est entré à la SNCF. Son grand rêve était d’être conducteur et, ça y est, il est sur le point de conduire ses premiers trains. En même temps, conducteur, pour moi qui voudrait freiner sur les transports et voir un peu plus ma famille, c’est vraiment la pire idée que je puisse avoir. Je veux être tous les soirs à la maison.

Et pourquoi pas les postes d’aiguillage ? C’est du 3×8, 365 jours par an, certes, mais on n’est pas en déplacement. En plus, j’ai visité un poste grâce à un copain cheminot et ça avait l’air vraiment sympa comme job : de vraies responsabilités, de la liberté, souvent tout seul. Ca changerait de mon open-space obscur où je rabache la même chose sans réfléchir au milieu de collègues pour certains assez insupportables.

Au boulot !

Direction le site de la SNCF. Il y a bien des offres pour ce type de poste. Ca recrute sur la région administrative de Chambéry (Ain, Isère, Savoie, Haute Savoie). Avec du bol, il y aura des postes sur Ambérieu. A voir.

Le soir, j’en cause avec mon épouse : elle me suivrait au bout du monde. Vu que je n’irai pas plus loin que la région Rhône Alpes, ça ira donc. Je postule en ligne sur le site de la SNCF. Mail de confirmation reçu : « sans nouvelles sous 30 jours considérez votre candidature comme non retenue ». Il n’y a plus qu’à attendre.

  • Novembre 2008, la journée de recrutement.

Les 30 jours ne sont pas écoulés que je suis convoqué pour une journée de recrutement au centre de Lyon Perrache. Rendez vous à 8h30 dans les premiers jours de Novembre.

Le jour dit, je me retrouve dans une salle d’attente un peu vieillotte. Nous sommes une quinzaine à nous regarder en chiens de faïence. Tout le monde attend de savoir à quelle sauce il va être mangé. 8h30, on appelle les personnes pour le recrutement d’agent mouvement. Nous sommes quatre à entrer en salle. On nous annonce que d’autres personnes sont attendues et on nous fait patienter.

Un petit quart d’heure écoulé, la question tombe : « Vous connaissez des gens qui doivent venir aussi ? » La réponse négative est unanime. « Parce que nous avions convoqué huit personnes. ». Huit convoqués, quatre présents. Pourtant, il parait que c’est la crise et qu’il est dur de trouver du boulot…

Nous entrons donc dans le vif du sujet par la présentation du déroulé de la journée : petit film de présentation du métier, questions éventuelles, tests de français et de maths. Nous enchaînerons ensuite sur la première partie des tests psychotechniques. Pour les retenus, la deuxième partie sera pour l’après midi. Nous terminerons ensuite avec un entretien avec le psychologue et un recruteur.

  • Une matinée bien remplie…

Et nous voilà partis pour un film présentant le métier : gestion des circulations, sécurité des circulations expliquée à grand coups de trains miniatures qui déraillent, missions d’escale ou desserte, travail de nuit, travail le weekend et les jours fériés, responsabilité pénale.

A côté de moi, mes trois compagnons ont l’air de vraiment découvrir le boulot et ça ne semble vraiment pas les inspirer : ils sont blêmes.

Des questions ? Un de nous ose soulever celle du salaire. 1200€ mensuel en 2×8, 100€ de plus en 3×8. Moue déçue de l’un des postulants.

Aller, c’est parti pour les tests de français, de maths et psychotechniques. Il est 10h quand  on nous installe devant des ordinateurs. « Vous en avez pour une heure et demie au minimum. Quand vous avez terminé, vous retournez en salle d’attente. »

Au boulot ! Effectivement, le programme semble lourd. 11h, deux de mes compagnons quittent la salle. Dix minutes plus tard, je suis le seul encore devant ma machine. 11h45, j’ai terminé. Retour en salle d’attente.

Chacun à leur tour, les trois autres sont reçus dans un bureau par un recruteur. Je reste un peu idiot à attendre. Une tête dans l’encadrement d’une porte : »Monsieur Bouard, vous pouvez aller déjeuner. On se retrouve à 14h. »

  • Après midi express…

14h, à peine arrivé, on m’embarque pour la suite des tests psychotechniques qui sont bouclés en une petite heure. Ayant remarqué que j’étais seul dans la salle d’attente, je m’enquiert du sort de mes compagnons présents le matin : recalés.

Je suis à peine étonné. A la vitesse où ils ont bouclé les tests et vu leur tête devant la présentation du métier, je me demande même s’ils n’ont pas fait exprès de planter tout ça pour vite passer à autre chose…

J’en suis à me faire cette remarque quand je suis reçu par le chargé de recrutement. Entretien cordial sur mes motivations. Il insiste lourdement sur le fait qu’un échec lors du cursus de formation serait synonyme de licenciement puis me demande où j’en suis de ma vie professionnelle. Je lui indique donc que je suis en CDI depuis 9 ans dans une petite vie d’employé de bureau pas franchement marrante. Sur le ton de l’étonnement le plus total, sa réponse fuse : »Mais vous êtes sûr de vouloir lâcher un CDI pour venir chez nous ? ». Un peu que j’en suis sûr !

Deuxième entretien de l’après midi, cette fois avec le psychologue. Nous débriefons mes tests psychotechniques. Pas un dieu côté chiffres, esprit synthétique. « Vous jouez aux jeux vidéos, vous. Vous m’avez fait de beaux scores sur les tests qui demandaient de la coordination et des réflexes ! ». Tu m’étonnes, j’étais en pleine période Guitar Hero.

On discute également de ma candidature et de mes motivations. Lui aussi ne semble pas habitué à voir des candidats prêts à lâcher un CDI.

S’en suit ce petit échange qui me restera toujours : »
– Qu’avez vous retenu du métier auquel vous postulez ?
– Qu’il me faudra faire circuler les trains à l’heure et en sécurité.
– C’est bien… mais j’aurais préféré que vous me parliez de la sécurité d’abord. Enfin, ce n’est pas grave, la formation vous permettra de remettre ça dans le bon ordre. »

Effectivement, nous allons passer des semaines à en bouffer, de la sécurité. Je revois encore ce formateur qui, à chaque mauvaise réponse, tapait sur la table et nous traitait d’assassins ou de criminels.

Bref, l’entretien se termine. On m’annonce que je serais vite tenu au courant de la suite des opérations.

  • Alcool, stupéfiants et démission…

Effectivement, cela ne traîne pas. Dans les dix jours suivants, je reçois une convocation pour la visite médicale d’embauche. Rendez vous à 8h à Annemasse. Evidemment, aucun moyen d’être à l’heure en prenant un train au départ de chez moi. Tant pis, je le veux ce poste. Je paye ma nuit d’hôtel à Annemasse.

Photo DR
Photo DR

Le jour dit, visite médicale standard puis, prise de sang et analyse d’urine. Les agents occupant des postes liés à la sécurité subissent en effet un contrôle annuel de la consommation d’alcool et de produits stupéfiants.

Ayant mon préavis à effectuer, je me risque à demander le résultat de ma visite d’embauche. Sauf détection de produits psychoactifs, l’embauche est validée par le médecin. Ne consommant pas plus de deux ou trois litres de vin par an, et n’ayant jamais vu la moindre drogue de près, je connais donc le résultat. Le lendemain, je remettais ma démission en main propre à mon supérieur.

Une nouvelle vie allait bientôt commencer. Il était temps !

Si vous aussi, vous avez envie de vous lancer, toutes les informations nécessaires sont par là : https://www.emploi.sncf.com