Quand un cheminot fait une connerie…

Depuis la catastrophe de Brétigny, je lis que ce n’est pas parce que l’éclissage en cause avait été vérifié que cela avait été bien fait. Le travail aurait pu être bâclé. C’est bien mal connaître le mode de fonctionnement de tous ces gens qui savent avoir la sécurité de leurs collègues et des voyageurs entre leurs mains. Illustration…

7h25, le prochain train à venir est le TER à destination de Mâcon ville. Je trace son itinéraire. Tous les signaux s’ouvrent. Situation normale.

Ce matin, au guichet, je ne sais pas pourquoi mais il y a plus d’activité que d’habitude. Voila encore une voyageuse qui vient acheter son abonnement, puis une autre qui m’achète son aller et retour pour la journée. On vient retirer des billets achetés sur Internet.

Le temps de faire ça, je retourne à ma table PRS. Tiens, il est 7h30 et le train n’est pas sorti de Bourg en Bresse. En temps normal, il met 14 minutes pour parcourir la quarantaine de kilomètres. Il doit être là dans cinq minutes et toujours rien.

A gauche, Mâcon TGV, à droite, Mâcon ville.
A gauche, la direction de Mâcon TGV, à droite, celle de Mâcon ville.

Encore du monde au guichet, j’y retourne. Au milieu de ma vente, sonnerie d’annonce de Vonnas. Le train sera là dans à peine plus de 3 minutes. J’acquitte vite la sonnerie d’annonce et retourne au guichet où, décidément, ça défile.

Il fait beau, la porte donnant sur le quai est ouverte. Le passage à niveau au bout du quai sonne. Il est temps de sortir faire la STEM. Petit oeil à l’écran du SAAT. P*tain ! C’est le 9760 pour Paris. Il doit aller sur Mâcon, oui, mais sur Mâcon TGV. L’itinéraire tracé est celui pour Mâcon ville. Le PN est fermé, il est donc trop tard pour le modifier.

Je saute sur la radio : »Conducteur du 9760, arrête toi d’urgence ! » Pas de réponse. Au TCO, les zones s’occupent et se libèrent au passage du train. Je relance un appel radio. Toujours rien.

Je ressors du bâtiment voyageur. Le TGV s’immobilise, au bout du quai. A contrejour, la brume de chaleur générée par le freinage rhéostatique est bien visible. Ca a chauffé dur pour stopper les 400 tonnes de la rame qui était lancée à 160 km/h. Un signe de loin au conducteur, je rentre au poste, je referme le signal précédant les aiguilles et je le rappelle. Oui, il a bien observé la refermeture du signal.

Pancarte TT

Je lance donc la destruction de l’itinéraire. C’est long 3 minutes de temporisation quand on est debout à attendre et qu’on a encore le coeur qui bat à 100 à l’heure.

Ca y est, le bouton de commande de l’itinéraire clignote, je peux le détruire. Je tire tout en direction de la ligne à grande vitesse. Un coup de radio pour renouveler mes excuses au conducteur qui a du se faire une belle trouille en m’entendant lui commander l’arrêt d’urgence. C’est vrai, il ne savait pas le motif de l’arrêt. Il a eu le temps d’imaginer un obstacle sur la voie ou je ne sais quoi de grave. Je lui confirme le tracé du bon itinéraire tout en ouvrant le signal. Pas encore ressorti, j’entends le coup de sifflet du conducteur annonçant la remise en marche du train.

Petit salut au conducteur, j’effectue la STEM. Le train est complet. Je rends voie libre à la gare précédente. J’enregistre l’horaire de passage du train : 7 minutes de perdues.

J’informe le régulateur de mon erreur. « Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreur. Tu l’as arrêté à temps pour limiter le retard, c’est le plus important. » Je m’en veux déjà assez, merci collègue pour ces mots réconfortants.

Je suis cheminot. Il est important que j’apprenne de mes erreurs et il faut toujours que l’on analyse entre nous ce qui y mène. Je décroche donc le téléphone : « Allo, chef, je viens de faire une connerie… »