L’alerte radio, cette inconnue qui vous saute dessus…
C’est un beau jour de printemps. Il fait grand beau, un peu frais. La pointe du matin s’est bien passée, comme quasiment tout le temps. 9h51, l’heure de l’arrêt d’un TER en direction de Mâcon. Je suis sur le quai où j’accueille mon chef qui vient de descendre du train et va effectuer son contrôle mensuel de notre bonne application des procédures de sécurité.
Coup de sifflet, ordre de fermer les portes. Portes bien fermées: un coup de palette pour autoriser le départ et ça roule. La routine. Nous rentrons dans le poste en discutant. Tout juste le temps de poser la casquette et le guidon de départ que la radio se met à hurler des « whoop whoop » continus. C’est l’alerte radio ! On saute sur la table PRS pour refermer d’urgence les signaux.
Ca y est, tout est au rouge. On a pris notre bon coup de trouille et on attend les nouvelles.
- C’est quoi donc l’alerte radio ?
Sur le réseau ferroviaire français, il existe un système nommé RST (Radio Sol – Train). Comme son nom l’indique, c’est une radio qui permet aux agents au sol de communiquer avec les trains et inversement. Le réseau est découpé en cantons radio. Chaque canton utilise un canal différent des cantons à proximité. Ces cantons peuvent être plus ou moins grands. Pour ce qui concerne ma gare, il intègre la ligne de Mâcon à Ambérieu entre Mâcon et la gare de Pont de Veyle ainsi que la ligne de Paris-Lyon à Marseille Saint Charles entre les gares de Tournus et de Belleville sur Saône. Le canton représente donc environ 60 km de ligne. Dans des zones denses, ils peuvent être nettement plus courts. Leur étendue est adaptée en fonction de l’intensité de la circulation et des contraintes de réception du signal.
Ce système de radio intègre un dispositif permettant d’émettre une alerte sous la forme d’un son diffusé sur le canal radio en cours d’utilisation. Quand un conducteur lance l’alerte radio, tous les trains, les postes d’aiguillage et le régulateur réglés sur le même canal reçoivent ce son qui est prioritaire sur toute communication en cours.
- Et ça sert à quoi donc ?
Le but est de permettre au conducteur d’alerter instantanément d’un danger nécessitant l’arrêt immédiat des trains. Typiquement, il s’agit d’un obstacle sur les voies. Autant dire que, quand on entend l’alerte radio, on ne rigole plus.
- Que se passe t’il quand l’alerte est lancée ?
Du coté des conducteurs, c’est simple: freinage d’urgence immédiat. Dans les postes d’aiguillage, fermeture en urgence de tous les signaux. Vous me direz que ça ne sert à rien puisque tous les trains s’arrêtent déjà d’eux même. Oui mais non. Cela permet de palier à un éventuel soucis de radio ou à un oubli de changement de canal radio à bord d’une des rames. En matière de sécurité, deux précautions valent toujours mieux qu’une.
Les trains s’arrêtent donc tous puis c’est le grand silence. En effet, il n’est pas question que tout le monde prenne sa radio pour demander ce qu’il se passe. Vous imaginez bien la cacophonie que ce serait. Les deux seuls autorisés à parler à ce moment sont le régulateur de la ligne et le conducteur qui est à l’origine de l’alerte radio.
Nous apprenons donc vite que le conducteur qui a émis l’alerte est celui du TER que je viens d’expédier sur Mâcon. En effet, quelques dizaines mètres après avoir redémarré, un cheval lui a coupé le chemin et se balade maintenant sur les voies. Typiquement le cas où l’alerte radio est utile. Le conducteur ne peut en effet pas savoir si un train arrive dans l’autre sens et, le temps qu’il contact les postes pour signaler la présence du cheval, il y aurait trois fois le temps qu’une catastrophe arrive.
Une fois la nature du danger identifiée, les agents circulation concernés prennent les mesures adaptées à la situation et la circulation peut reprendre. Me voila donc parti dans la procédure pour divagation de bestiaux.
Le lieu et la nature de l’incident étant maintenant bien connus, partout ailleurs dans la zone couverte par le même canal radio, les trains peuvent reprendre leur circulation normale.
Vu la proximité du lieu de l’incident, mon chef est parti courir derrière le cheval pour le sortir des voies et ainsi permettre la reprise normale de la circulation. Quand on travaille à la SNCF, il faut savoir tout faire, même ramener un cheval à son enclos.
C’est ce qu’on appelle un chef…à cheval sur le règlement!
Mais que se passe-t-il si un train s’arrête tout près de la fin d’un canton ? Cela constitue un risque pour un train qui serait dans le canton avoisinant, et serait toujours sur l’autre fréquence !
Il y a bien les signaux, mais dans ce cas, ça ne fait guère qu’une seule précaution…
Le SAR (Signal d’Alerte Radio) est là pour arrêter tous les trains à proximité du danger présumé. A partir de là les autres systèmes prennent le relais en fonctionnement normal. Le cantonnement va ensuite jouer son rôle. Les trains qui n’auraient pas perçu le SAR seront simplement arrêté par un sémaphore ou un carré.
Les stations RST Fixe sont reliées entre elles. Et même si un train est sur la fin d’un canton, l’emission et récéption des signaux bavent légèrement d’un canton sur l’autre. Il ne doit pas y avoir de zones dites « blanches ».
pour compléter la procédure du conducteur de train, lors d’une perception du SAR, je dois émettre aussi le SAL pour Signal d’Alerte Lumineux. Un bouton poussoir qui commande le clignotement des projecteurs de l’engin. Une boucle de plus pour arrêter le plus vite possible tout ce qui roule dans le coin et justement intéressant à l’endroit où l’on change de canal.
Je dois aussi me tenir prêt à abaisser les pantographe pendant l’arrêt d’urgence. Quand au silence radio, il est de 2′ obligatoire.
Merci pour ces explications. Toujours intéressant de découvrir les coulisses ferroviaire.
Greg
Psst c’est « pallier un éventuel problème de radio » 🙂
Il me semble sinon que toutes les lignes ne sont pas équipées de RST, notamment les voies uniques, mais qu’il existe d’autres moyens d’émettre une alerte semblable dans ces cas-là.
Pour ce qui est du silence des conducteurs, sauf erreur lors de l’accident de la gare de Lyon en 1988, l’un des problèmes rencontrés est que lors de l’émission de l’alerte radio (ce qui était d’ailleurs interdit dans ce cas), la radio a été complètement saturée d’appels désireux de savoir ce qui se passait et les agents circulation ont eu un mal fou à identifier le train qui l’avait émise. Du coup, et bien c’est interdit.
De nombreuses lignes ne sont pas équipés de RST, on utilise alors le GSM-GFU.
De plus, certaines lignes commencent à être équipé de GSM-R, bien plus audible que la bonne vieille RST.
Interessant comme site
Et pour completer une petite video faite en ligne en Alsace sous GSM-R
https://www.dailymotion.com/video/x19jhal
Dans le GSM-GFU il me semble qu’il y a des « trous » de couverture GSM dans certaines lignes (je connais celle Foix-Latour de Carol et dans le massif montagneux le GSM ne marche pas très bien). Comment fait un conducteur lors d’une urgence dans ce cas ?