Du wifi dans les trains…

En octobre 2014, dans un échange fort commenté avec le CM de la SNCF, Axelle Lemaire, secrétaire d’état au numérique, demandait instamment l’arrivée d’internet dans le train.

Le mois dernier, la même Axelle Lemaire se félicitait publiquement que

la SNCF lance un appel d’offre pour équiper « ses trains » du wifi et, précisait elle, le coût de déploiement serait compris dans la très polémique augmentation des tarifs de 2,6% appliquée par l’entreprise ferroviaire.

Evidemment, le micro milieu de twittos geeks s’emballait en voyant déjà du wifi gratuit partout. Revenons un peu sur cette annonce…

Côté politique…

Pour commencer, il a été annoncé que le coût de l’installation serait pris en charge par l’augmentation du 31 décembre 2014. Qu’en est il du coût de fonctionnement ? Là dessus, silence. Rien ne dit donc que l’utilisation sera gratuite.

Par ailleurs, SNCF Mobilités doit installer le wifi dans « ses trains ». Pour rappel, les TER appartiennent aux conseils régionaux. Les RER/Transiliens appartiennent au STIF, une partie des Intercités appartient à l’état. Reste donc quelques Intercités et les TGV.

Les twittos qui se voient déjà connectés à du wifi gratuit dans leur RER risquent donc d’être fort déçus.

Côté technique…

Reste à trouver une solution technique qui fonctionne bien sans coûter un bras. Ce n’est pas évident car il y a de grosses contraintes techniques. J’ai lu certains twittos qui s’amusaient du « retard de la France » en évoquant le wifi dans les cars ou trains américains, britanniques, ou suédois.. Bonne remarque mais dans ces pays si « en avance » les trains ne roulent pas à 300 km/h… Désolé pour ceux qui aiment l’autoflagellation, la France n’est pas « en retard » sur tout, loin de là.

Le problème technique vient donc de la portée des émetteurs wifi/3g/4g au sol. Pour avoir un bon débit sur un téléphone, il faut être, en gros à moins d’un kilomètre de l’antenne de l’opérateur. Pour fournir la connexion à une rame de TGV où l’on trouvera peut être 100 ou 200 personnes connectées en même temps, du débit, il va en falloir, et pas qu’un peu ! Partant de là, il va falloir que le train se trouve peu éloigné de l’antenne. Facile à faire pour un train à l’arrêt. Si on reste sur la base d’une distance d’un kilomètre entre le train et l’antenne, un TGV roulant à 300 km/h va donc devoir changer d’antenne 150 fois par heure. Il perdra donc le signal pour le retrouver toutes les 24 secondes. Vous avez déjà vu le temps que met votre téléphone à se reconnecter à une antenne de votre opérateur ? Imaginez donc ça toutes les 24 secondes. Vous le voyez, ceux qui s’imaginent qu’il va suffire d’une clé 4G et d’un routeur wifi par voiture (si, si, j’ai lu ça sur Twitter) sont loin du compte.

Il y a quelques années, à l’occasion du lancement du TGV Est, un service avait été testé. Il reposait sur une transmission par satellite. Pour les passages dans les tunnels, la connexion était relayée par des antennes au sol. C’est un système équivalent qui est en place sur Thalys. Je vous laisse voir le détail de ce système dans cette vidéo.

Alors, oui, il y a eu des progrès techniques depuis mais il ne va pas falloir trop rêver quant au débit possible pour une rame. Par ailleurs, le coût d’utilisation et de maintenance d’un système de télécommunication de pointe comme celui ci ne sera pas nul.

Parlant du coût…

Ce coût, justement, parlons en. Comme je l’ai dis, la secrétaire d’état au numérique annonce que la mise en place du système sera financée par l’augmentation des tarifs. Bien mais les coûts de maintenance et d’utilisation devront bien être pris en charge d’une façon ou d’une autre.

Première solution, la facturation au coup par coup. Vous payerez alors un forfait à l’heure ou une option pour votre voyage afin d’avoir le droit d’utiliser le wifi. Deuxième solution, le wifi pourrait être proposé gratuitement. Je vous vois déjà rêver de cette dernière option mais c’est oublier que le gratuit n’existe pas. Si SNCF Mobilités a un coût total de X milliers d’euros par an et par rame pour l’accès à internet, il n’y aura pas de miracle, ce coût sera répercuté sur le prix des billets. Vous n’aurez donc pas un prix affiché pour le wifi mais il fera partie du prix de votre billet. Encore une chose qui ne va pas dans le sens d’une réduction des prix du train.

Un choix de société ?

Au delà de tout cela, je vois dans cette histoire de wifi, une histoire de choix de société. Est il indispensable d’avoir accès à du wifi dans le train ? Peut on faire un Paris – Marseille en 3h20 en étant coupé du net ?

Le geek que je suis, intoxiqué aux réseaux sociaux se permet de l’affirmer : oui ! On peut se passer d’internet quelques heures, le temps d’un voyage en TGV. On regarde un film, on écoute de la musique, on lit un livre, on discute avec son voisin ou on rêvasse en regardant défiler le paysage. Il y a plein de choses à faire !

Par la fenêtre...
Par la fenêtre…

Alors, je vous vois déjà venir me dire: » oui mais, on n’est pas dans le TGV que pour les loisirs. Les pros, z’ont besoin de bosser et donc d’internet ». Totalement d’accord mais alors, si les pros, donc les entreprises ont besoin d’internet même dans le train, qu’elles se le payent. Il faudrait donc que l’accès au net soit payant. Il n’y a pas de raison qu’une entreprise assume seule les besoins des autres. Demander du wifi gratuit, c’est une fois de plus demander à une entreprise publique d’assumer les coûts nécessaires aux entreprises privées. Au passage, ces pros qui ont besoin du net, ils payent déjà tous des abonnements auprès d’opérateurs de télécommunication. Pourquoi ne se tournent ils donc pas vers eux pour leur demander une meilleure couverture le long des lignes de train ? A mon avis, SNCF Mobilités n’a pas vocation à devenir un opérateur télécom. A la limite, je ne serais pas choqué que l’accès internet à bord des trains soit mis en concession à des opérateurs qui s’occuperaient tout seuls de l’installation, de la maintenance et de la facturation du service. On peut penser que c’est un peu ce qui va se faire puisque l’annonce d’Axelle Lemaire évoque un appel d’offre lancé par SNCF Mobilités.

En attendant, on peut presque tous se passer d’internet pendant quelques heures, je pense même que ça ne nous ferait pas de mal. Que les drogués du net se payent leur came sans la faire prendre en charge par la collectivité !