Auteur/autrice : Sylvain Bouard

Agent circulation à la SNCF, passionné de chemin de fer, de photo et de nouvelles technologies.

L’empire des sens…

A la lecture du titre, j’en vois qui ont déjà l’oeil qui frise. Aucun rapport avec le film d’Ôshima. Non, nous allons parler de parité. Là non plus, aucun rapport avec le sexe. Nous allons parler de la parité des trains.

Pour une fois, la question ne sera pas venue de Twitter mais directement des commentaires de ce blog : « qu’est ce que les sens pairs et impairs ? »

Les voies ont un sens…

TGV 1_2

Comme je l’avais évoqué à l’occasion de cet article, les voies de chemin de fer ont un sens.  On pourrait penser qu’une voie, ce n’est toujours que deux rails et qu’il n’y a donc aucune contrainte à faire passer un train dans un sens ou dans l’autre. Ce n’est pas le cas. Si on fait un parallèle avec la voiture et que l’on s’imagine dans une rue à sens unique, il apparait évident que le premier problème sera celui de la signalisation. Sur une voie, comme dans une rue à sens unique, les signaux sont implantés dans un sens. Le conducteur d’un train qui circulerait à contre-sens ne pourrait donc pas voir les signaux permettant l’espacement des trains ou donnant les indications de vitesse à respecter.

En plus de cela, les voies comportent divers équipements. En premier lieu, il y a le KVB (contrôle de vitesse par balises). Les balises permettant d’assurer que les conducteurs ne font pas d’erreur sont installées pour un sens de circulation précis. En plus de cela, il y a diverses pédales, balises et commandes permettant, notamment de fermer les passages à niveau. Par défaut, tout cela est installé pour un sens de circulation.

… et doivent être identifiées :

Pour faciliter la gestion du trafic, il fallait pouvoir désigner chaque voie par un nom. Imaginez comme ce serait peu pratique si, dans chaque gare, on devait parler de la voie de X à Y ou l’inverse. Pas simple et bien long. Pour remédier à cela, il a été convenu de donner aux voies des numéros et l’on s’est inspiré des numéros des rues de nos villes : pair dans un sens, impair dans l’autre. Histoire de définir une norme, on a décidé que les voies impaires seraient celle venant de Paris et les voies paires celles allant vers Paris.

Les voies de service ont été numérotées en s’alignant sur les voies principales. Les voies de service donnant sur une voie impaire sont également impaires. Même principe pour les voies de service donnant sur une voie paire. C’est ainsi que, dans une grande gare, on parlera de faisceau pair et de faisceau impair.

Un exemple avec le plan de voie d’une petite gare :

Plan de voies

Les trains suivent le mouvement.

Quand les trains se sont multipliés, il a également fallut les nommer de façon courte et efficace. On a donc basé la numérotation des trains sur celle des voies : les trains s’éloignant de Paris sont impairs et ceux se dirigeant vers Paris sont pairs.

Plan

Evidemment, le numéro des trains étant lié à la voie sur laquelle ils circulent, sur certains parcours, ils changent de parité plusieurs fois. Les postes d’aiguillages verront donc passer le même train mais pas avec le même numéro. Voici un petit exemple avec un train qui circulait pas loin de chez moi, le TER 882127.

Le Dimanche après midi, il assurait une relation Bourg en Bresse – Lyon via Ambérieu.

Au départ de Bourg en Bresse, il circulait donc sur voie 1. Arrivé à Ambérieu, il prenait le raccordement pour emprunter les voies en direction de Lyon. Ces voies sont celles normalement utilisées pour un trajet en direction de Paris. Le train changeait donc de parité et devenait le 882126. En arrivant au Nord de Lyon, en gare de Saint Clair, le 882126 prenait la direction du Sud pour la gare de la Part-Dieu et circulait à nouveau sur voie 1. Il changeait à nouveau de parité et redevenait le 882127.

Evidemment, pour des raisons pratiques, les voyageurs ne connaissent ce train que sous un seul numéro. Pas question d’embrouiller tout le monde.

Sur vos billets, le numéro du train.
Sur vos billets, le numéro du train.

Et voilà, vous savez tout sur la parité des voies et des trains. Des questions ? Un truc pas clair ? N’hésitez pas à laisser un commentaire.

« Vous allez vous faire tuer ! – C’est ce que je veux ! »

Grand beau temps en cette fin Septembre. La porte du bureau est grande ouverte sur le quai. A cette heure, les TER du midi sont déjà passés. On est dans le grand moment de calme de l’après midi. Entre 13h30 et 16h, il n’y a que peu de trains à faire passer et presque personne au guichet. La journée de boulot ne s’annonce pas désagréable.Belle journée sur la voie

Un train est annoncé. Quatre minutes plus tard, la sonnerie du passage à niveau au bout du quai m’indique qu’il est temps de sortir effectuer la STEM.

Un coup d’œil sur la gauche, le signal au bout du quai indique bien la voie libre, un seul ID est allumé. Le train sera donc bien aiguillé dans la bonne direction. Le passage à niveau est bien fermé mais il y a un hic. Un hic de taille même ! Un piéton se tient là, debout, les bras croisés, entre la voie et les barrières déjà abaissées. Continuer la lecture

Travailler sur les voies, comment ça marche ?

Nous sommes un certains nombre de cheminots à avoir vécu cette scène alors que nous étions simple passager d’un train : au bord de la voie, une dizaine de gilet oranges qui regardent passer le train et là, un voyageur se lâche : « Regarde moi ça, ils sont payés à regarder passer les trains ! ».

On peste intérieurement sur le niveau de bêtise de la remarque et on se retient de ne pas lui dire que, s’ils étaient resté à bosser sur la voie, ils seraient tous morts au passage du train.

Mais au fait, comment fait on pour éviter l’accident lors de ces chantiers ? Voyons voir ça…

  • Du monde plein les voies…

C’est que ça en concerne du monde, les travaux sur les voies ! Qui sont ces intervenants en gilet orange fluo ?

Agents du service mécanique au travail sur une aiguille double.
Agents du service mécanique au travail sur une aiguille double.

Continuer la lecture

Une petite histoire de l’aiguillage…

L’aiguillage, domaine inconnu du public, mais à un point que je n’imaginais pas. A l’occasion de l’erreur de direction qui a eu lieu hier sur le RER, je réalise que certains semblent croire qu’une erreur de direction peut envoyer deux trains à la collision. Non. Il existe des systèmes qui empêchent de tracer des itinéraires incompatibles ou d’ouvrir les signaux si un train est déjà sur la voie.

Voyons un peu quelles sont ces sécurités et comment elles se sont mises en place petit à petit.

  • Aux origines du chemin de fer…

Chemin de fer à l'ancienneDans les années 1820, le réseau ferré n’existe pas. Il ne s’agit pour le moment que de quelques lignes disséminées un peu partout en Europe. A l’époque, s’il est déjà question d’aiguillage, il n’est pas question de poste d’aiguillage ou de signalisation. Les aiguilleurs manoeuvrent les quelques aiguilles à pied d’oeuvre, c’est à dire que le levier commandant une aiguille est installé juste à côté de celle ci. Il n’existe pas de système de signalisation. Les trains sont espacés à la montre. Ils sont peu nombreux et ne roulent pas vite. On envoie donc le train suivant quand on estime que le précédent est assez loin. Les quelques signaux rencontrés par les trains sont faits par les aiguilleurs, à l’aide de drapeaux. C’est la préhistoire. Toute la sécurité repose sur l’humain. A la moindre erreur, aucun rattrapage possible. Toute l’évolution de l’aiguillage va justement être l’ajout de boucles de rattrapage aux erreurs humaines. Continuer la lecture