Mais pourquoi les feuilles mortes posent problème ?
Les voyageurs réguliers le savent, tous les ans, entre Octobre et Novembre, il arrive que les trains prennent du retard en raison des feuilles mortes. Les mauvais esprits ricanent et certains vont même jusqu’à dire que l’excuse est vraiment bidon. Et pourtant…
- Mais pourquoi donc les feuilles mortes posent problème ?
En tombant, une partie des feuilles sont écrasées sur les rails au passage des trains :
Cette couche de résidus secs ne pose quasiment aucun problème. Les ennuis commencent avec l »humidité de la nuit ou la pluie. Les restes de feuilles se transforment alors en une pellicule noire et grasse.
- Du contact rail/roue…
C’est la faiblesse de la surface de contact rail/roue et celle des frottements métal/métal qui permettent au train de rouler vite en consommant très peu d’énergie.
En effet, là où une voiture est équipée de pneus en caoutchouc qui roulent sur du bitume, le train utilise de roues en acier sur un rail en acier. Quand la surface de contact du pneu de votre voiture est de la taille d’une carte postale, celle de la roue d’un train est de l’ordre du centimètre carré : moins qu’un timbre.
Les 400 tonnes d’une rame TGV reposent donc sur environ 52 centimètres carrés. Impressionnant, non ?
Ce qui fait la force du train devient donc sa faiblesse face au résidus gras laissés par les feuilles mortes.
- Patinage et enrayage
La perte d’adhérence cause deux phénomènes : le patinage et l’enrayage.
Le patinage est la perte d’adhérence à l’accélération. Il n’est donc pas rare que les rames n’arrivent pas à atteindre leur vitesse normale provoquant du retard. Sur certaines lignes particulièrement touchées par le phénomène, il peut carrément arriver que le train ne puisse pas redémarrer suite à un arrêt. Le trafic peut donc être totalement interrompu en attendant qu’une locomotive ou une autre rame aille chercher l’engin immobilisé.
L’enrayage, lui, est la perte d’adhérence au freinage, le blocage des roues. En plus de provoquer des retards en obligeant les conducteurs à anticiper largement leurs freinages, il représente un vrai danger.
En cas d’enrayage, un train aux roues bloquées peut parcourir plusieurs centaines de mètres. Imaginez donc le résultat si le train se dirige vers un voie en cul de sac ou, comme sur la photo ci dessous, vers un signal fermé protégeant un passage à niveau ouvert…
En cas d’enrayage important, les conducteurs signalent donc les zones concernés aux agents circulation qui prennent alors les mesures pour que les trains roulent en toute sécurité : remise d’avis aux conducteurs signalant les points d’enrayage important (ils y arriveront donc à vitesse très réduite), dans la mesure du possible, réception des trains sur signaux ouverts.
Inutile donc de dire que les retards peuvent donc s’accumuler rapidement mais, là encore, c’est pour assurer la sécurité des trains et donc celle des passagers.
Autre effet du patinage et de l’enrayage, l’usure prématurée des roues des rames. Un gros enrayage peut mené à un plat sur les roues bloquées. S’il est trop important, la rame devra faire un passage par les ateliers pour changer les essieux concernés, retirant donc un train de la circulation. Cela peut donc mener à des suppressions de trains.
- Des solutions ?
Vous le voyez, les feuilles mortes peuvent avoir de grosses conséquences en termes de régularité mais aussi, et c’est le plus grave, en terme de sécurité.
Il existe des solutions pour limiter le phénomène. La plus logique : déboiser les abords des voies. Simple sur le papier, encore faut il que les arbres soient sur des terrains appartenant à la SNCF ou à RFF.
Sur les lignes particulièrement touchées, des passage d’engins brossant les voies ou les nettoyant au jet à haute pression sont programmés à l’automne.
Sur les rames, des systèmes de contrôle de traction et de freinage permettent de limiter le patinage et l’enrayage.
Il en existe une, vieille comme le chemin de fer, c’est le sablage. Devant chaque bogie moteur des engins, du sable est déposé sur le voie afin d’augmenter l’adhérence. Le système est activé par le conducteur. A noter toutefois, que son utilisation est à proscrire dans certaines zones, particulièrement au franchissement des aiguillages afin de ne pas venir bloquer leur mécanisme.
Toutes ces solutions permettent de limiter les effets de feuilles mortes mais, malheureusement, aucune ne fait de miracle et certaines lignes subissent tous les ans des retards à cause de l’automne.
Là encore, patience, les limitations de vitesses si elles vous mettent en retard sont là uniquement pour assurer votre sécurité.
ça beau! je poste sur fessebouc!
Bonjour et merci pour ton blog très très instructif que je découvre au fur et à mesure.
Travaillant dans l’automobile ou nous avions également ce type de problème (dans une moindre mesure, mais avec des conséquence tout aussi importantes).
Beaucoup de technologies ont été mises en places notamment grâce à l’électronique permettant de réguler le freinage et les accélérations.
Dans ton article j’ai appris que vous utilisiez le même type d’aide pour le contrôle de la traction, mais pourquoi ne pas également utiliser des systèmes similaires pour le freinage, ou encore mieux coupler les sablières aux systèmes électroniques ?
Et longue vie à ton blog !! 🙂
Fabien
Les rames TGV et les rames TER récentes sont équipées d’anti-patinage et d’anti-enrayage qui est l’équivalent de l’ABS pour l’automobile.
Leur efficacité reste plus limitée vu la faiblesse de l’adhérence d’un train.
Bonjour,
Merci pour ces billets 😉
Je me permets juste de rebondir sur un petit truc:
En fait, le meilleur c’est d’avoir un grand coefficient de friction entre les roues et le rail. Celui de l’acier contre l’acier avoisine celui du caoutchouc contre le bitume (~1). Si il n’y avait pas de frottements entre la roue et le rail, le train ne pourrait pas freiner… ni avancer ;).
Idéalement, il faudrait un très grand coefficient de friction pour limiter les pertes 😉
(D’ailleurs, en passant, le coefficient de friction dynamique (quand les roues patinent ou sont bloquées, par exemple) est toujours moindre que le coefficient de friction statique (quand la roue ne glisse pas sur le rail). C’est pour ca que pour arrêter un train rapidement, il faudrait ne pas faire patiner les roues 😉 ).
Une autre magie de la physique est que la force due à la friction ne dépend en aucun cas de la surface de contact. C’est assez étrange, mais un train qui aurait 100m² du surface de contact roue-rail s’arettera en même temps qu’un train qui aurait une surface de contact d’1cm² (bon, théoriquement, ca serait un peu dur, niveau résistance de matériaux, mais bon 😉 ).
Mais oui, sinon, c’est quand même impressionnant que les plusieurs centaines de tonnes reposent que sur qqes cm² 😉
Merci encore pour ce blog,
Frank
Bonjour,
@Frank :
Non, désolé, le coefficient de friction acier-acier est bien moindre que celui du pneu caoutchouc contre le bitume, raison pour laquelle il est compliqué d’arrêter rapidement un train.
C’est la physique qui parle, et elle est imparable, d’où le rendement énergétique exceptionnel du train par rapport à la route : très peu de résitance au roulement, grâce aussi au fait qu’il y a peu ou pas de denivellé (c’est pour ça qu’il y a beaucoup de ponts et de tunnels sur les voies ferroviaires!)
Le rapport est de 1 à 15 : quand le camion consomme 15, le rail consomme 1 ce qui fait une économie de plus de 90%.
Le train est plus propre : ça fait longtemps que le train électrique existe… la technologie du caténaire est simple et éprouvée.
Les deux sont en fait complémentaires : la route ne devrait être utilisée qu’en début et fin de trajet, là où le train ne peut aller…
Bruno.
(je ne suis pas cheminot !)
Bonjour,
Les feuilles mortes, bien que simple usager, ça me parle. J’ai habité en cambrousse dans une région boisée. Il m’est arrivé au moins une fois, en voiture, de me faire surprendre par « feuille mortes + petite pluie ». La perte d’adhérence est terrifiante et je me souviens d’un voisin qui avait raté son virage dans des circonstances similaires. Sans trop de dégats d’ailleurs, car il roulait doucement.