Comprendre les tarifs du train…
Le tarif du train fait parler de plus en plus. Encore ces jours ci, sort une étude d’une association de consommateurs que je vous laisse lire.
Au passage, sur les réseaux sociaux, je lis des tas de choses vraies ou fausses sur des prix qui varieraient et augmenteraient sans cesse. Il me semble nécessaire de prendre le temps de faire un peu le tour de tout ça.
Pour aborder le sujet simplement, je ne parlerai ici que des tarifs pour ceux qui voyagent sans carte de réduction.
- Service public ou offre commerciale ?
Pour bien aborder le sujet, il faut commencer par casser une idée reçue : la SNCF n’est plus un service public. Les français ont voté pour les gouvernements qui voulaient aller vers la libéralisation de certains marchés, dont celui du transport ferroviaire. Les modifications légales allant dans ce sens ont donc été faites. La SNCF n’est donc plus un service public mais une entreprise commerciale.
En matière de transport ferroviaire, il subsiste peu de services publics. Il reste les TER/RER mais ils ne sont pas de la responsabilité de la SNCF mais des conseils régionaux ou, sur Paris, du STIF. Certains trains Intercités relèvent encore du service public et sont sous la responsabilité directe de l’état. Dans le cadre de ces services public, les entités élues (CR, STIF ou Etat) sont désignées « autorité organisatrice des transports » (AOT) et, via une convention de délégation de service public, chargent un prestataire d’assurer leur mission selon un cahier des charges précis en terme de moyens et de dessertes à mettre en place. Dans ce cadre, la SNCF est encore seule à pouvoir répondre aux offres des AOT jusqu’à l’ouverture à la concurrence. L’entreprise est donc un simple sous traitant des AOT qui pourra dans l’avenir être remplacé par un autre prestataire.
Le TGV et les trains Intercités à réservation obligatoire, ne relèvent pas du service public. Ce sont de pures offres commerciales. La SNCF est donc pleinement décisionnaire des moyens et des dessertes mises en place.
- Deux tarifications :
Découlant de ces différents statuts, les trains sont tarifés de deux façons différentes.
Le service public (TER/RER/Intercités) est placé sous le régime du tarif kilométrique. Le transport coûte un prix déterminé par kilomètre parcouru. Ce prix est calculé en fonction du coût de revient. Plus on va loin, plus on paye. C’est simple et c’est ce qui a très longtemps été appliqué à tous les trains, du temps où la SNCF était un service public.
Les offres commerciales (TGV/Intercités à réservation obligatoire) sont tarifées comme toute offre de n’importe quelle entreprise : en fonction de son coût de revient mais aussi de l’offre et de la demande. Si une relation est très demandée, on va pouvoir pratiquer une marge plus élevée. Sur ces offres, il n’est donc pas question de tarif au kilomètre.
- TER / RER / Intercités, les AOT s’en mêlent :
Sur les trains relevant du service public, en plus de définir le cahier des charges à suivre par la SNCF, les AOT ont leur mot à dire en matière de tarification.
Elles définissent donc des offres locales. Le cas le plus général est la mise en place de cartes de réductions régionales. Défaut du système, chaque AOT faisant ce qu’elle veut, les cartes sont plus ou moins nombreuses, ouvertes à des profils plus ou moins larges et donnent droit à des réductions plus ou moins importantes selon la région. Ces offres ont également le défaut d’être limitées géographiquement à la seule région émettrice de la carte.
Certaines régions pratiquent également des réductions ponctuelles sur des billets. C’est notamment le cas en PACA qui met régulièrement en vente des billets à 1€ pour ses TER à destination des plages.
Dans tous les cas, ces offres qui amènent à des tarifs en dessous du coût de revient du transport, sont compensées par les AOT à la SNCF. Il serait donc tout à fait possible qu’une région décide la gratuité totale de ses TER si elle prend en charge le coût du transport.
Voila pourquoi, dans le titre de ce billet, j’ai parlé des tarifs « du train » et pas « de la SNCF ».
- Le yield management : des promos toute l’année.
Sur les trains relevant de sa seule compétence (TGV / Intercités à réservation obligatoire), la SNCF est donc libre de ses tarifs.
Afin d’optimiser le remplissage des trains et sa rentabilité, l’entreprise commerciale a mis en place un système venu du transport aérien : le yield management.
Il s’agit d’un système basé sur un prix variable en fonction du remplissage du train et de l’offre et de la demande. Dit comme ça, on pourrait vite se dire que le même train en fonction de la date et de l’heure pourra avoir des prix totalement différents. C’est faux.
Le système de prix de la SNCF est basé sur le prix en tarif normal sur le train. Ce prix est public et constitue le prix maximum que l’on paiera sur la relation. La liste des tarifs TGV est disponible sous forme de guide disponible en gare ou sur le site de la SNCF en cliquant directement ICI.
- Un cas pratique, le Paris – Annecy :
L’étude citée en début de billet s’attarde sur le cas de la relation Paris – Annecy. Jetons un oeil aux prix en seconde classe.
Le Paris – Annecy, en seconde classe, est vendu 98€ en tarif normal en période de pointe ou 78€ en période normale. Un voyageur en seconde classe paiera donc au maximum 98€ ou 78€. Ce prix ne pourra changer qu’à l’occasion d’une révision générale de tarif. Il ne sera pas plus élevé pour les vacances d’hiver ou je ne sais quelle autre occasion. Il ne bougera jamais.
En revanche, le guide TGV indique que ce trajet est disponible en Prem’s à partir de 25€ mais aussi en tarif Loisir à partir de 50€. Ce sont sur ces prix réduits que le tarif va bouger. Comment ça marche ?
Le nombre de place par palier de réduction proposé va être différent en fonction de la date de circulation du train. Imaginons le découpage suivant sur un Paris – Annecy circulant en période de pointe :
Plus vous achèterez votre billet tard, plus la réduction diminuera. En effet, les places sont automatiquement proposées au tarif le plus bas au moment de l’achat. Si vous arrivez au début de la vente, vous aurez encore des places à 25€. Si vous attendez un peu plus, vous tomberez sur le quota de places à 50€ puis celui à 65€ et ainsi de suite jusqu’à retomber sur le plein tarif. Voilà comment vous pouvez vous renseigner sur des prix sur un TGV et, le lendemain, lorsque vous arrivez au guichet, ne trouver qu’un prix plus élevé.
A cela s’ajoute l’optimisation du remplissage du train. En fonction de la date, la SNCF sait qu’elle remplira le train plus ou moins facilement. Afin qu’il ne circule pas à vide ou qu’il rapporte plus d’argent, le nombre de places pas palier de réduction variera en fonction de la demande.
Prenons toujours ce Paris – Annecy. Un Samedi de Février, il est certain qu’il se remplira plus facilement qu’en plein mois d’Avril. Le découpage de ce train pourra alors se faire comme suit :
Vous le voyez, le tarif normal n’a pas bougé mais les places à tarif réduit sont moins nombreuses. Bien évidemment, les quotas de places à tarif réduit que j’évoque dans cet exemple sont purement fictifs. Leur nombre exact et leur mode de calcul relèvent de la cuisine interne de la direction commerciale et sont hautement confidentiels. Inutile de vous dire que le personnel au guichet n’a aucune information sur ces points.
Pour en revenir au sujet, il n’est donc pas exact de dire que la SNCF augmente ses prix pour Paris – Annecy pendant les vacances d’hiver. Dans la pratique, elle n’augmente pas son prix mais réduit les promotions.
Je sais que l’on me dira que je joue sur les mots mais c’est pourtant la stricte réalité. Il n’est pas question de défendre aveuglément la SNCF mais de remettre les choses à leur vraie place.
Le principe est bien entendu le même pour les places proposées en première classe. C’est ainsi qu’il peut arriver que vous y trouviez des places à un tarif inférieur à ceux de la seconde classe. En effet, si les quotas de place à prix réduit en seconde sont bien entamés, ceux en première peuvent avoir été à peine entamé. De bonnes affaires à faire !
- Que retenir de tout ça ?
Achetez vos billets de TGV le plus tôt possible, c’est là qu’ils seront le moins cher ! Ce sera toujours ça de gagné pour vous.
Planifiez vos budgets vacances en fonction du vrai prix du transport, c’est à dire le plein tarif donné sur le guide TGV. Vous ne pourrez qu’avoir une bonne surprise en arrivant au guichet.
- D’un point de vue plus moral, voir politique :
A titre personnel, j’ai toujours trouvé que les tarifications pratiquées par la plupart des entreprises sont devenues « trompeuses ». On nous offre du billet d’avion à 20€ à condition de partir un jour précis, sans bagages et en allant à un aéroport perdu dans la brousse. On nous offre du téléphone illimité dans la limite de X correspondants, de X Go de données par mois. Dans la grande distribution, sans carte de fidélité, on passe son temps à payer plus que le vrai prix des choses.
Bref, les petits prix sont toujours une illusion savamment montée. Le consommateur fini par ne plus connaître le vrai prix des choses. Celui qui ne fait pas attention paye tout trop cher et le petit malin ne paye jamais le vrai prix.
Il est donc dommage que la SNCF se soit lancé là dedans mais pouvons nous lui reprocher d’avoir mis en place un système permettant de remplir ses caisses quand l’ordre venait de gouvernements que nous avons mis en place ?
Doit on lui reprocher de se préparer à la concurrence quand les lois encadrant ces pratiques sont détricotées par les députés que nous avons élu ?
Nous avons voté pour l’ouverture à la concurrence (et certains avec l’arrière pensée de voir la privatisation de la SNCF) pouvons nous nous plaindre qu’elle pratique ce qui se fait sur un marché libéralisé ?
Post Scriptum du 22 août 2014 :
Un petit ajout sur les prix du train en France avec ce graphique d’un comparatif qui vient d’être effectué par l’agence de voyage en ligne Go Euro. Que l’on ne vienne plus nous dire que le train est hors de prix ou que la concurrence et/ou la privatisation font baisser les prix.
J’ai lu récemment un excellent article sur le calcul des péages qui expliquait pourquoi entre-autres OuiGo peut se permettre de casser les prix en partant de Marne-la-Vallée en arrivant à Lyon-Saint-Exupéry.
Le vrai problèmes des tarifs du TGV à mon sens c’est qu’on ne perçoit plus de « plein tarif » ou « tarif de base ». Les prix semblent évoluer un peu n’importe comment (note l’utilisation du mot semblent), et on ne sait plus où se situe le prix de départ. Un député dont j’oublie le nom (mais qui je crois était de droite) s’en était d’ailleurs ému à une époque. Je trouve qu’il y a peut-être un effort à faire au niveau communication dans ce domaine, ce qui permettrait aux voyageurs d’apprécier la réduction dont ils bénéficient par rapport à ce prix.
Il faut aussi ajouter que les cartes de réduction ont également des quotas, hors TER et trains sans résa, et justement on ne sait plus à partir de quel prix cette réduction est calculée. Je pense notamment à la 12-25, avec laquelle je suis souvent parti en 1ère place parce que le quota de places à -50% en 2e classe était déjà atteint mais pas celui de places à -50% en 1ère, ce qui mettait le billet de 1ère en gros au même prix qu’un billet de 2e à -25%…
Mais d’une manière générale il faudrait que les gens aient conscience qu’on ne paie qu’une partie du prix du transport, surtout sur les réseaux urbains (20% sur les TER je crois ?), et que le seul prix du péage pour un Paris-Lyon coûte 10 000 euros, ce qui est quand même conséquent.
Techniquement, les prix peuvent parfois être moins élevés en dernière minute aussi car sauf erreur de ma part les « experts » peuvent faire bouger les quotas en fonction du taux réel de remplissage du train. Exemple, 15 jours avant, les prévisions sont moins bonnes, on rouvre des prem’s. Mais je suis d’accord pour dire qu’il vaut quand même mieux acheter le plus tôt possible. Pour le reste, article très agréable à lire quoiqu’un peu orienté… La SNCF est un EPIC il me semble, c’est pas (encore ?) Ryanair… Et non personne ne s’est encore prononcé pour la privatisation de la SNCF. Dommage, selon moi, de mêler ces propos à un tel article de vulgarisation…
La SNCF n’est certes pas Ryanair mais bien un EPIC. Cela ne change rien au fait que ce n’est plus un service public comme on l’entend encore souvent dire.
Pour ce qui est de la privatisation, je vais me relire et modifier le texte le cas échéant, mais mon propos est de dire que certains veulent la privatisation et la réclament dès qu’il y a quoique ce soit avec un train sans en mesure les conséquences ni que le majeur problème de la SNCF est (à mon avis) de se comporter comme une société privée.
Dont acte, mon évocation de la privatisation n’était pas claire. J’ai reformulé.
Sylvain, sauf erreur de ma part, c’est la région Languedoc-Roussillon qui pratique le billet à 1 euro et pas PACA 😉
Nico
Sur le fait que la SNCF soit ou non dans une mission de SP pour le TGV et les IC à réservations obligatoires, c’est un peu plus complexe que cela il me semble. Si la SNCf dit clairement que ces trains ne relèvent plus du SP (cf sa « charte du SP ») le son de cloche est différent chez certains parlementaires et surtout les ex-corail teoz bénéficient des conventions de SP relatives au TET. J’avais écrit un article juridique qui abordait en partie cette question dans la revue juridique Concurrences, que je peux vous transmettre, si vous voulez en débattre!
Salut Collègue!
J ai parcouru par curiosité ton blog ; franchement intéressant , Un bel essai de vulgarisation du monde ferroviaire .
plus d usagers devraient lire tes articles!
Au plaisir.
« Dans tous les cas, ces offres qui amènent à des tarifs en dessous du coût de revient du transport, sont compensées par les AOT à la SNCF »
Est-ce que cela signifie que la SNCF ne fait aucune marge sur les liaisons TER / RER / Intercités?
Est ce que la compensation sur les tarifs sociaux porte sur le coût de revient ou le prix normal de la prestation donc avec une marge ? Bonne question. Je n’ai pas la réponse.
Le problème c’est qu’avec de tels pratiques on en arrive à de la spéculation sur le prix du billet.
Des gens achètent en masse des billets à l’ouverture et les revendent ensuite au « noir » pour se faire de la marge. J’ai connu cette pratique sur le Paris – Bruxelle. Trois passagers qui ne se connaissaient pas avaient des billets au même nom. Cette personne n’était pas présente à bord d’ailleurs…
Ça ne m’étonne qu’à moitié.
Juste un commentaire sur le post-scriptum du 22 août. Jamais je ne réserverais un voyage avec l’agence en ligne GoEuro. En effet ce sont des escrocs. Ils annoncent qu’en moyenne le prix au 100km en train en France et de 7,79€. Les 214km qui séparent Paris-Lille serait donc à 16,67€. Le rêve ! Je reprendrais alors le train. Parce que si je veux aller voir ma famille ce week-end, seul, c’est 61€. Même en veillant pour acheter des Prem’s trois mois à l’avance, et prendre le dernier train du vendredi en arrivant peu avant minuit, c’est 25€. En rusant, et en prenant le temps avec les TER (4h avec une correspondance, au lieu de 1h), c’est environ 35€. Alors qu’on arrête de dire que le train est bon marché en France. Il n’y a que le covoiturage qui permette d’atteindre ces tarifs. Le français moyen, qui gagne un peu plus que le SMIC, ne prend plus le train, s’il n’a pas de famille à la SNCF !
Bonjour
Article effectivement intéressant par lequel on voit la nuance entre service public et entreprise publique.
J’ai une question sur le fonctionnement du Yield à la SNCF: est-ce qu’il prend en considération les réservations des cheminots? Autrement dit savez vous si le fait qu’un cheminot achète sa réservation fait évoluer le prix des autres voyageurs, dans la mesure où le remplissage du train évolue de fait?
Merci
Steve
Bonne question mais je n’ai aucune idée de la réponse. Le mode de calcul exact de tout ça doit être gardé comme un secret défense.
Bonjour,
Je ne sais pas si cela peut être utile, mais il faudrait préciser que le billet Ter à un prix propre en dehors du tarif kilométrique.
Ma soeur ne pouvant se libérer pour les réunions de famille il m’est arrivé quelques fois de faire un gros détour par migennes pour récupérer mon neveu sur le quai et l’accompagner jusqu’a paris (départ de bourg en ter, changement à Dijon carte 12-25).
La première fois l’agent au guichet m’a fait deux billets, Bourg-Dijon à 12 euros puis Dijon- Paris à 22 euros soit 34 euros, 6 mois plus tard je retourne escorter mon neveu mais cette fois l’agent au guichet me propose de forcer le trajet via migennes afin d’obtenir un seul billet moins cher : 29,80 euros , à kilomètre égal il y avait donc une différence de 4,20 euros.
Les prix ont du augmenter depuis et mon neveu voyage seul donc je n’ai pas eu l’occasion de vérifier récemment, mais je serais curieux de savoir comment est calculé le prix du billet en lui même, s’il est proportionnel au km ou si la même différence se fait peut importe la distance.
Il existe une dégressivité kilométrique tarifaire : un Marseille Toulon + un Toulon Cannes sur 2 billets bien distincts coûte plus cher qu’un Marseille – Cannes d’un trait.
Très bon article, cependant il n’explique pas une bizarrerie tarifaire que je rencontre fréquemment.
Pour faire RENNES – PARIS. Il est parfois moins cher de prendre un billet QUIMPER – PARIS. En fait il y a deux trains, l’un est au départ de QUIMPER, le second au départ de RENNES. Les deux se couple en gare de RENNES et arrivent donc à la même heure à PARIS. Par contre il y a bien deux numéro de train distinct.
Avec ce que je comprends de l’article, il ne doit plus rester de place à tarif réduit dans le TGV RENNES – PARIS, tandis qu’il en reste dans le TGV QUIMPER – PARIS. Si on cherche un billet pour le trajet RENNES- PARIS, on est automatiquement dans le TGV RENNES- PARIS, donc le plus cher. Pour pouvoir avoir une place moins cher, il faut donc se retrouver dans le TGV QUIMPER – PARIS. L’idéal étant de commencer son voyage fictif une gare avant l’arrêt RENNES pour être sur d’avoir le tarif le moins cher.
Réponse 1 an + tard :
Les 2 rames ont des quota séparés, indépendants.
Pour un rennes Paris on est placé automatiquement dans la rame origine Rennes pour laisser les places de l’autre rame à ceux qui viennent de + loin.
Si tous les rennais montaient dans la rame de Quimper, celle-ci serait vide de Quimper à Rennes, car les places seraient libres seulement jusqu’à Rennes, donc invendables pour du Quimper Paris.