La prime charbon
Les cheminots et la prime charbon: LE truc qui revient régulièrement, même en 2015, soit plus de 40 ans après la disparition de la dernière locomotive à vapeur et, donc, de la fameuse prime. Partons à la découverte de l’argument star de ceux qui ont l’air prodigieusement agacés par les cheminots.
Qui la touchait ?
La fameuse prime charbon n’était pas touchée par « les cheminots ». Non, elle ne concernait que ceux qui avaient une prise sur la consommation de charbon des locomotives à vapeur.
Seuls les mécaniciens et les chauffeurs la touchaient. En effet, les locomotives à vapeur se conduisaient à deux: à gauche, le conducteur mécanicien, chargé de la conduite proprement dite et de l’entretien en ligne de la machine et, à droite, le chauffeur qui s’occupait de la chauffe, c’est à dire du feu et, donc, de maintenir en pression la chaudière.
Comment était elle calculée ?
La prime charbon était calculée sur la capacité d’un équipage à économiser le charbon. Pour cela, la SNCF avait estimé une consommation de référence pour un trajet donné. En tenant compte de la distance à parcourir, du profil de la ligne et du poids de la rame, on estimait qu’on avait besoin de X tonnes de charbon pour mener le train à bon port. L’équipage qui gérait bien sa machine et arrivait à faire le trajet sans tout consommer était gratifié d’une partie de l’économie réalisée. Il s’agissait donc d’une prime basée sur la performance individuelle des salariés. Voilà qui devrait ravir les fanas de la rémunération à l’objectif !
Et ils touchaient quoi ?
Eh bien il ne s’agissait pas d’argent ! Les équipages recevaient directement, du charbon, du vrai, noir et bien gras. Je vous vois déjà vous en étonner mais il faut penser que, dans les années où la prime existait encore, le chauffage central n’était pas répandu et qu’on se chauffait majoritairement avec son petit poêle personnel. Recevoir du charbon représentait donc une économie bonne à prendre pendant les mois d’hiver et même le reste de l’année pour faire fonctionner la cuisinière.
Sur la fin de son existence et avec le changement des modes de vie, elle devint tout de même une prime au sens « moderne » du terme, c’est à dire une somme d’argent ajoutée à la paye de base.
Qu’est elle devenue ?
Elle a disparu avec la fin de la vapeur à la SNCF au début des années 70. A l’époque, elle était déjà moribonde vu le peu de dépôts qui employaient encore des locomotives à vapeur. Certains racontent qu’elle aurait été remplacée par une prime de salissure: pure invention. Si la prime de salissure existe bien à la SNCF, elle concerne, comme dans bien d’autres entreprises, les salariés effectuant des travaux particulièrement salissants et qui occasionnent des frais d’entretien de tenues de travail, bref, rien à voir avec le charbon ou le personnel de conduite.
Merci, Sylvain, de rappeler ce qu’était la prime charbon. Ce serait bien que certains journalistes de médias dominants lisent votre article…
A propos de charbon une anecdote, j’ai connu très jeune une ancienne garde barrière très âgée sur la ligne secondaire Bourg-Bellegarde qui me disait que certains chauffeurs lui lançaient des briquettes de charbon pour son chauffage. Ses enfants allaient les ramasser dans le pré à côté du passage à niveau, c’était juste avant guerre une autre époque. Une solidarité existait entre cheminots, la vie n’était sans doute pas toujours facile dans les maisonnettes des passages à niveau isolés des petites lignes
en 1939 – 1945 c’est vrais mais c’était la guerre
Bel article sur les anciens, merci.
je suis née dans une maison de garde-barriere 1 mois apres mes parents deménageaient en 1954
Bonjour, et merci pour l’histoire de cette prime polémique.
une espèce de prime au rendement, en fait.
ça devrait pourtant plaire aux plus libéraux d’entre nous, au lieu de les consterner. 🙂
Oui effectivement cette prime au rendement devrait être maintenue et valorisée. Malheureusement c’est devenue un avantage acquis qui a perdu toute sa substance et ou le mérite n’a plus rien à voir . Le libéralisme ce n’est pas ça mais c’est plus aux plus méritants.
Toujours très instructif ce blog, merci.
J’ai dècouvert ce blog tres interessant ,toute ma famille était à la sncf depuis sa creation,bravo,de bonnes reflexions sur le avantages des cheminots
Avez-vous lu l’article de Que choisir sur le salaire des cheminots ? Cette attaque contre les salariés de la SNCF n’a rien à faire dans un journal de consommateurs. Monter les usagers contre les cheminots en leur faisant croire que ces derniers sont des nantis est répugnant.
Effectivement la convention collective applicable à la SNCF ne prévoit pas de « prime charbon ». La prime de salissure est quand à elle présente dans de nombreux secteurs d’activités industriels.
Merci pour cet article mes gds parents étaient mécanos, du coup j avais entendu parlé de cette prime ms sans savoir le contenu !!!
Autre usage du charbon. À l’époque il n’y avait pas de radio à bord, lorsqu’il y a avait un message urgent la coutume voulait que l’on enveloppe le message autour morceau de charbon et que l’équipage le jette à un passage à niveau a charge pour la garde barrière de prévenir qui de droit
Cette pratique a fonctionné bien plus tard , avec les patates des wagons restaurants pour des messages même très importants……(sécurité….etc)
Un ancien KRU
Oui c’est exacte. Nous nous mettions aux fenêtres de la voiture en sifflant abondamment pendant que le collègue envoyait la patate enveloppée du message. Un ancien KRU
je te suivais sur twitter, mais j’ignorais que tu avais un blog. Ce billet est particulièrement utile, je viens de coincer un type de droite en train de contribuer à propager cette légende de la prime de charbon encore existante.. merci.
La conduite des machines à vapeur était un métier usant et très dur, et le personnel méritait ses quelques primes…
Pour l’anecdote, mon arrière grand père, né en 1900 et mécanicien sur une ligne des Cévennes comportant de nombreux tunnels, est décédé à 50 ans et 2 mois, avant même de toucher son 1er trimestre de retraite…
On oublie aussi de dire que dans les années 1970 beaucoup de locomotives étaient chauffées au fioul domestique, à l’aide d’un brûleur genre brûleur de chaudière chauffage central dimensionné pour. Je parle des locomotives 141R arrivées en France suite au plan Marshall. Les locomotives au charbon ont été amorties avant celles au fioul. C’est le cas du dépôt de Bordeaux où les dernières circulations vapeur ont eu lieu en 1971 avec des locos chauffées au fioul..
Cette prime basée sur la performance individuelle n’était pas sans risques pour l’équipage. en effet à vouloir trop économiser le charbon la pression de vapeur pouvait baisser au delà du seuil minimum pour « avaler » le profil de la ligne. On appelait ça (je crois) « Planter un chou » c’est dire s’arrêter en pleine campagne faute de vapeur ! Le temps perdu était important car la pression ne remontait pas instantanément!!! Il y a eu aussi des pelles échappées dans le foyer par le chauffeur!!!