Du wifi dans les trains…
En octobre 2014, dans un échange fort commenté avec le CM de la SNCF, Axelle Lemaire, secrétaire d’état au numérique, demandait instamment l’arrivée d’internet dans le train.
Toc toc toc, la SNCF : on peut se voir pour discuter wifi dans le train? Merci d’avance! 😉
— Axelle Lemaire (@axellelemaire) 17 Octobre 2014
@axellelemaire RDV est pris Madame la secrétaire d’état ! 😉
— SNCF (@SNCF_infopresse) 17 Octobre 2014
Le mois dernier, la même Axelle Lemaire se félicitait publiquement que
la SNCF lance un appel d’offre pour équiper « ses trains » du wifi et, précisait elle, le coût de déploiement serait compris dans la très polémique augmentation des tarifs de 2,6% appliquée par l’entreprise ferroviaire.
Evidemment, le micro milieu de twittos geeks s’emballait en voyant déjà du wifi gratuit partout. Revenons un peu sur cette annonce…
Côté politique…
Pour commencer, il a été annoncé que le coût de l’installation serait pris en charge par l’augmentation du 31 décembre 2014. Qu’en est il du coût de fonctionnement ? Là dessus, silence. Rien ne dit donc que l’utilisation sera gratuite.
Par ailleurs, SNCF Mobilités doit installer le wifi dans « ses trains ». Pour rappel, les TER appartiennent aux conseils régionaux. Les RER/Transiliens appartiennent au STIF, une partie des Intercités appartient à l’état. Reste donc quelques Intercités et les TGV.
Les twittos qui se voient déjà connectés à du wifi gratuit dans leur RER risquent donc d’être fort déçus.
Côté technique…
Reste à trouver une solution technique qui fonctionne bien sans coûter un bras. Ce n’est pas évident car il y a de grosses contraintes techniques. J’ai lu certains twittos qui s’amusaient du « retard de la France » en évoquant le wifi dans les cars ou trains américains, britanniques, ou suédois.. Bonne remarque mais dans ces pays si « en avance » les trains ne roulent pas à 300 km/h… Désolé pour ceux qui aiment l’autoflagellation, la France n’est pas « en retard » sur tout, loin de là.
Le problème technique vient donc de la portée des émetteurs wifi/3g/4g au sol. Pour avoir un bon débit sur un téléphone, il faut être, en gros à moins d’un kilomètre de l’antenne de l’opérateur. Pour fournir la connexion à une rame de TGV où l’on trouvera peut être 100 ou 200 personnes connectées en même temps, du débit, il va en falloir, et pas qu’un peu ! Partant de là, il va falloir que le train se trouve peu éloigné de l’antenne. Facile à faire pour un train à l’arrêt. Si on reste sur la base d’une distance d’un kilomètre entre le train et l’antenne, un TGV roulant à 300 km/h va donc devoir changer d’antenne 150 fois par heure. Il perdra donc le signal pour le retrouver toutes les 24 secondes. Vous avez déjà vu le temps que met votre téléphone à se reconnecter à une antenne de votre opérateur ? Imaginez donc ça toutes les 24 secondes. Vous le voyez, ceux qui s’imaginent qu’il va suffire d’une clé 4G et d’un routeur wifi par voiture (si, si, j’ai lu ça sur Twitter) sont loin du compte.
Il y a quelques années, à l’occasion du lancement du TGV Est, un service avait été testé. Il reposait sur une transmission par satellite. Pour les passages dans les tunnels, la connexion était relayée par des antennes au sol. C’est un système équivalent qui est en place sur Thalys. Je vous laisse voir le détail de ce système dans cette vidéo.
Alors, oui, il y a eu des progrès techniques depuis mais il ne va pas falloir trop rêver quant au débit possible pour une rame. Par ailleurs, le coût d’utilisation et de maintenance d’un système de télécommunication de pointe comme celui ci ne sera pas nul.
Parlant du coût…
Ce coût, justement, parlons en. Comme je l’ai dis, la secrétaire d’état au numérique annonce que la mise en place du système sera financée par l’augmentation des tarifs. Bien mais les coûts de maintenance et d’utilisation devront bien être pris en charge d’une façon ou d’une autre.
Première solution, la facturation au coup par coup. Vous payerez alors un forfait à l’heure ou une option pour votre voyage afin d’avoir le droit d’utiliser le wifi. Deuxième solution, le wifi pourrait être proposé gratuitement. Je vous vois déjà rêver de cette dernière option mais c’est oublier que le gratuit n’existe pas. Si SNCF Mobilités a un coût total de X milliers d’euros par an et par rame pour l’accès à internet, il n’y aura pas de miracle, ce coût sera répercuté sur le prix des billets. Vous n’aurez donc pas un prix affiché pour le wifi mais il fera partie du prix de votre billet. Encore une chose qui ne va pas dans le sens d’une réduction des prix du train.
Un choix de société ?
Au delà de tout cela, je vois dans cette histoire de wifi, une histoire de choix de société. Est il indispensable d’avoir accès à du wifi dans le train ? Peut on faire un Paris – Marseille en 3h20 en étant coupé du net ?
Le geek que je suis, intoxiqué aux réseaux sociaux se permet de l’affirmer : oui ! On peut se passer d’internet quelques heures, le temps d’un voyage en TGV. On regarde un film, on écoute de la musique, on lit un livre, on discute avec son voisin ou on rêvasse en regardant défiler le paysage. Il y a plein de choses à faire !
Alors, je vous vois déjà venir me dire: » oui mais, on n’est pas dans le TGV que pour les loisirs. Les pros, z’ont besoin de bosser et donc d’internet ». Totalement d’accord mais alors, si les pros, donc les entreprises ont besoin d’internet même dans le train, qu’elles se le payent. Il faudrait donc que l’accès au net soit payant. Il n’y a pas de raison qu’une entreprise assume seule les besoins des autres. Demander du wifi gratuit, c’est une fois de plus demander à une entreprise publique d’assumer les coûts nécessaires aux entreprises privées. Au passage, ces pros qui ont besoin du net, ils payent déjà tous des abonnements auprès d’opérateurs de télécommunication. Pourquoi ne se tournent ils donc pas vers eux pour leur demander une meilleure couverture le long des lignes de train ? A mon avis, SNCF Mobilités n’a pas vocation à devenir un opérateur télécom. A la limite, je ne serais pas choqué que l’accès internet à bord des trains soit mis en concession à des opérateurs qui s’occuperaient tout seuls de l’installation, de la maintenance et de la facturation du service. On peut penser que c’est un peu ce qui va se faire puisque l’annonce d’Axelle Lemaire évoque un appel d’offre lancé par SNCF Mobilités.
En attendant, on peut presque tous se passer d’internet pendant quelques heures, je pense même que ça ne nous ferait pas de mal. Que les drogués du net se payent leur came sans la faire prendre en charge par la collectivité !
Tu dis que le wifi avait été testé sur le TGV Est, ça veut dire que l’expérimentation a tourné court et que le système a été démonté ?
Il y a eu un retour sur les usages ?
De mémoire, le retour était que le débit était pas génial et que ça se vendait mal.
Dans le TGV ? Techniquement ce serait difficile. La SNCF a déjà du mal à placer des prise électriques en deuxième classe alors le WiFi…
Toutefois c’est évidemment dans les sections non couvertes par le moindre réseau que le WiFi a un avantage. Le nombre de fois ou j’aurai aimer savoir que la gare vers laquelle je me rendais serait en vrac suit à un incident supplémentaire (la RATP et la SNCF ne partageant l’information que sur leur partie du réseau) qui m’obligerait alors à faire demi tour pour prendre une correspondance que j’aurai prise bien plus facilement…
Pour ce qui est de la Suède, l’Arlanda Express c’est du 200km/h avec le WiFi gratuitement et le billet n’a même pas augmenté.
Arlanda express, ou l’autre nom de l’Orlyval.
(pour que ceux qui ne connaissent pas sachent de quoi on parle)
Bonjour,
Britanniques, américains, suédois, n’ont effectivement pas de trains avec wifi à 300 km/h (200 km/h pour les suédois, 240 km/h pour les américains par exemple). Mais les italiens (Trenitalia, .Italo), les franco-belgo-néerlandais (Thalys), les allemands (Deutsche Bahn), et bientôt les franco-belgo-britanniques (Eurostar) si. SNCF possède d’ailleurs de bonnes parts dans 3 d’entre eux.
« Pour avoir un bon débit sur un téléphone, il faut être, en gros à moins d’un kilomètre de l’antenne de l’opérateur. » Cela dépend totalement de la puissance de l’antenne en question : en zone dense, elles ont une faible portée, en zone moins dense, la portée atteint les 15 à 20 km, avec une zone de portée offrant un débit « correct » de l’ordre de 5 à 10 km.
« Vous avez déjà vu le temps que met votre téléphone à se reconnecter à une antenne de votre opérateur ? » Oui, il suffit d’avoir une conversation téléphonique en se déplaçant par exemple. Temps de coupure de la conversation ? 0 seconde.
« Vous le voyez, ceux qui s’imaginent qu’il va suffire d’une clé 4G et d’un routeur wifi par voiture (si, si, j’ai lu ça sur Twitter) sont loin du compte. » C’est pourtant comme cela que fonctionnent la plupart des systèmes existants, y compris à haute-vitesse (Thalys excepté).
« Par ailleurs, le coût d’utilisation et de maintenance d’un système de télécommunication de pointe comme celui ci ne sera pas nul. » Un routeur coeur de réseau, c’est un équipement de pointe. Un équipement de transmission fibre avec des cartes TenGiga, c’est un équipement de pointe. Un routeur 3G-4G/wifi ou une antenne satellite avec portail captif, ça fait bien longtemps que ce n’est plus un équipement de pointe.
« Première solution, la facturation au coup par coup. […] Encore une chose qui ne va pas dans le sens d’une réduction des prix du train. » Si on prend la solution de Thalys et les coûts publiés, on arrive à environ 20 centimes par voyageur par trajet, sur un billet moyen services compris à 73€ (CA Thalys divisé par le nombre de voyageurs), soit 0,03% du prix du billet.
« Demander du wifi gratuit, c’est une fois de plus demander à une entreprise publique d’assumer les coûts nécessaires aux entreprises privées. »
Il faudrait savoir, je croyais que c’était compris dans le prix du billet, donc au final payé par la fameuse « entreprise privée » ?
« A mon avis, SNCF Mobilités n’a pas vocation à devenir un opérateur télécom. » Mais n’en a pas besoin non plus. SNCF Mobilités n’est pas une entreprise de restauration, mais propose une voiture bar à bord de ses trains, via un prestataire de service. SNCF Mobilités n’est pas une entreprise de nettoyage industriel, mais a des équipes qui nettoient ses trains, via un prestataire de service. Etc.
Proposer des services, c’est aussi permettre à SNCF de se démarquer de ses concurrents, alors que la concurrence va se faire de plus en plus forte (covoiturage qui se démocratise, libéralisation du transport intérieur par autocar, ouverture à la concurrence d’ici quelques années du transport ferroviaire intérieur, aérien dont les liaisons à bas-coûts se multiplient y compris sur les trajets intra-France). Si SNCF propose, en plus des ses atouts actuels (trajet de centre à centre contrairement à l’avion, trajet généralement plus confortable que l’autocar ou la voiture), de quoi mieux « utiliser » le temps de trajet à bord de ses trains, elle pourra conserver/attirer des voyageurs qui sont prêts à payer plus cher qu’en car/covoiturage ou à mettre plus de temps qu’en avion, mais qui auront à bord de quoi se divertir ou travailler. Les exemples à prendre chez les autres opérateurs sont nombreux : accès wifi et prises de courant donc (on ne va pas relister tous ceux qui proposent ce service, il irait plus vite de lister ceux qui ne le proposent pas), mais aussi offre audio/vidéo en spectateur simple (voitures Cinema sur Italo) ou à la demande depuis le périphérique wifi de l’utilisateur (Via Rail), espaces enfants (espace vidéo Kinderkino sur Railjet, voitures NSB Familie sur NSB, espaces Ticki Park sur CFF).
Si SNCF se contente comme aujourd’hui de proposer un déplacement de A vers B avec peu de services à bord, alors, elle se retrouvera sur de nombreux trajets au choix plus chère (que l’autocar ou le covoiturage, qui ne payent pas leurs coûts complets mais c’est un autre débat), plus lente (que l’avion sur les longs trajets, que l’autocar sur d’autres trajets où les correspondances sont mal optimisées), voire une combinaison des deux, au final en perte d’attractivité face à ses nouveaux concurrents. Comme Air France l’a été face aux compagnies aériennes à bas-coûts, avec le résultat que l’on connaît aujourd’hui.
Pour le 240. Km/h américain, ceci est vrai que sur une très petite portion du parcours. Ensuite une des difficulté est l’installation dans un matériel non conçu initialement pour avoir ce type de solution : sur le Thalys, on peut voir les dômes abritant l’antenne satellite, qui ne sont compatibles qu’avec des rames simple étage ( engagement du gabarit sur les duplex)
Je n’ai pas testé les solution GV italiennes ou Allemandes, mais en ce qui concerne l’Allemagne, on peut quand même noter que sur leur réseau, la GV est moindre que chez nous.
Cdt,
Quand SB parle de payer le service aux entreprises privées, il dit en fait que les non-utilisateurs du service subventionnent les utilisateurs, donc que la mamie, le môme et le lecteur de journal paieront pour que le cadre de Tot*l puisse se connecter à un site web de luc pendant le trajet.
Très bon article de Sylvain. Mathieu Essaye de placer 500 personne sous un relais en campagne et de mettre 10% de entre eux en communication. Tu verras si tout le monde réussi à appeler et à rester en communication. Seule la 4g pourrais le permettre.
100% d’accord. Le net est tout sauf indispensable et je n’ai pas envie de me faire bombarder d’ondes en plus lors de mes trajets en train, il y a déjà bien assez de pollution électromagnétique comme ça.
En outre, tout du moins dans mon TER, je vois déjà nombre d’utilisateurs profiter de leurs abonnements 4G sur leurs téléphones. Cela me semblerait un vain gaspillage de précieux fonds publics que d’équiper nos trains de Wifi.
Bien répondu !
je suis pour la technologie mais quand elle nous pourrit la vie , ça devient insupportable…
Avant de penser à internet il y a le réseau à remettre en état,etc…
De plus tout le monde veut TOUT GRATUIT , mais qui paye ???
Bonjour,
Non seulement, SNCF Mobilité n’a, je pense, pas vocation à devenir un opérateur Télécom, mais au delà de cela, s’il s’agit d’installation terrestres, où les implanter ? sur les emprises de SNCF Réseau ? Sur des emplacements extérieurs ?
Dans le premier cas, ce n’est pas encore fait, les travaux se programment longtemps à l’avance (le PGF 2016 est bouclé, 2017 pas loin de l’être) donc les travaux de mise en place ne seront pas encore à l’ordre du jour avant un moment. Par ailleurs, ces prestations donneront elles droit à redevance de l’EF au GI, et pour être « ARAFoCompatibles » ces prestations seront elles accessibles aux autres EF (Thello par exemple) ?
Si les installations sont extérieurs aux emprises SNCF Réseau, qui fera l’acquisition (accessoirement à quel prix)
Bref, les annonces sont ce qu’elle sont, mais la mise ne place est largement nébuleuse.
Je rejoins Sylvain sur l’idée qu’en déconnexion quelques heures est largement supportable, d’autant que, d’experience avec un bon téléphone je ne suis que rarement hors couverture plus de 45 minutes sur l’ensemble du réseau TGV.
D’ailleurs, ne serait ce pas une bonne idée de la part des opérateurs TELCO d’élargir leur propre couverture ? Dire que l’on couvre 98% de la population c’est bien, 98% du territoire c’est mieux.
Bonjour,
Pour information, en 2G/3G/4G le signal n’est pas perdu pendant 34 secondes le temps de se reconnecter au réseau. Les sites (antennes) sont voisinés, c’est à dire pour faire simple que les opérateurs les font se reconnaître. C’est pour ça qu’une communication n’est pas coupé quand on roule. Le plus embêtant, c’est la vitesse, surtout plus gênant pour les connexions data. En 4G, les normes permettent de maintenir une connexion à plus de 500km/h (le record est de 700km/h pour les tests), alors que pour la 3G, a 130km/h ça devient plus difficile.