Traverser les voies, c’est pas rien…

Une matinée en gare, il y a de cela une petite dizaine d’années. A cette période là, un gros chantier était en cours. Dès le dernier train de la pointe du matin parti, tout trafic était arrêté jusque vers 16h. Ce train venait justement de partir, laissant les quais vides. Il ne restait que moi, venu là dans l’espoir de ramener quelques photos de ces fameux travaux.

Toutes ces voies à traverser...
Toutes ces voies à traverser…

Je patientais donc sur le quai quand un premier gilet orange fit son apparition au loin. Sortant d’un poste d’aiguillage, le cheminot, agent de la voie, entreprit de traverser les quatre voies le séparant du bâtiment voyageur.

Une voie, deux voies et, en voulant monter sur le quai, le pied qui se prend dans le rail et une chute rattrapée en se tordant correctement la cheville. Le voila donc qui s’assoit sur le bord du quai et, certainement à cause de la douleur, qui perd connaissance et s’effondre en avant.

Il y a maintenant un homme inconscient allongé sur la voie.

L’histoire s’arrête là. L’agent du poste d’aiguillage a aussi vu la scène et descend déjà aider son collègue. Le dernier train avant des heures est passé, il n’y a donc aucun risque. Cette histoire ne restera qu’un accident du travail. Pas de drame ce jour là.

Pourquoi est ce que je vous raconte ça ? Parce qu’à chaque fois que l’on rattrape quelqu’un qui traverse les voies, il vous fait systématiquement la même remarque: »y avait pas de train ! ». Certes, mais c’est oublier qu’une voie ferrée n’est pas un beau trottoir bitumé et bien lisse.

Ballast qui se dérobe sous les pieds, traverses glissantes (et, croyez moi, quand il a plu, ce sont de vraies patinoires), rails, tirefonds, pédales, balises, tringlerie des aiguillages, … Sur une voie, il y a pleins de pièges qui peuvent vous envoyer au sol.

Moteurs d'aiguilles, tringlerie, câblage, traverses, tant de pièges.
Moteurs d’aiguilles, tringlerie, câblage, traverses, tant de pièges.

Ce cheminot, bien que formé et habitué à se déplacer sur les voies s’est fait piéger et s’est retrouvé, inconscient, allongé sur la voie. S’il avait été seul ? Si le dernier train n’était pas déjà parti ? Que ce serait il passé ? Le risque de la traversée des voies, est là, même quand aucun train n’est à l’horizon.

Je rappelle d’ailleurs au passage qu’on ne les entend plus venir ces saletés à force de voies neuves en rails soudés et de rames modernes et plus silencieuses. Juste pour voir, fait ce test: sur le quai de votre gare et tournez le dos au sens de circulation et retournez vous seulement quand vous entendez un train arriver. Vous verrez à quel point il est proche. Vous seriez dans la voie, vous n’auriez pas le temps de fuir.

Ces avertissements ne sont pas là pour rien.
Ces avertissements ne sont pas là pour rien.

Non, on n’a jamais le temps de traverser devant un train et, non, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de train que traverser les voies n’est pas dangereux. Traverser les voies, c’est pas rien…