Les TER bimode sous caténaire, le vrai, le faux…

Et c’est reparti. Pas encore repus du sang de la bête, certains journalistes en remettent une couche sur la SNCF. Maintenant, ce sont les TER bimode (diesel et électrique) qui rouleraient en mode diesel même sous caténaire.

C’est le journal Challenges qui sort le nouveau « scandale » en illustrant l’article avec la photo d’une rame… électrique.

Capture du site de Challenges le 28 Mai 2014
Capture du site de Challenges le 28 Mai 2014

Evidemment, l’info est belle et croustillante et donc bien reprise sur les réseaux sociaux toujours à la recherche du LOL. Pas de bol, comme avec la récente polémique sur les nouvelles rames TER et leur gabarit, le gros titre bien vendeur et le contenu de l’article ne résistent pas à la confrontation avec la réalité.

  • Les rames bimode, qu’est ce que c’est ?

Ce sont des rames de la famille AGC (Automoteur à Grande Capacité) du constructeur Bombardier. Elle sont dotées d’un moteur diesel et des équipements nécessaires à la circulation en mode électrique. Elles peuvent donc circuler sur des lignes non électrifiées comme sur celles équipées de caténaire. Ces rames bimode existent en deux versions. Certaines fonctionnent soit en diesel, soit en électrique 1500V continu. L’autre version, dite BiBi (Pour Bimode/Bitension) peut circuler soit en diesel, soit en électrique 1500V continu soit en électrique 25 000V alternatif. Les rames bimodes sont numérotées 815xx et les BiBi 825xx. Ca vous permettra de vérifier par vous même en quel mode elles circulent quand vous en croiserez.

La rame 81515, Bimode, donc, à Pont de Veyle, en mode électrique.
La rame 81515, Bimode, donc, à Pont de Veyle, en mode électrique.
  • Mais alors, en quel mode circulent elles ?

Contrairement à ce que dit l’article, ces rames bimodes circulent bien en électrique lorsque c’est possible, la preuve sur la photo ci dessus.

Prenons le cas des TER entre Mâcon et Ambérieu qui sont assurés par des rames 815xx. Ils circulent en électrique sur tout leur parcours. Il peut leur arriver de circuler en diesel dans le cas d’une défaillance de la partie électrique. C’est bien pratique ça, ça évite de supprimer des trains. La circulation en mode diesel sur un parcours électrifié reste donc une exception.

Passons maintenant au cas d’un parcours effectué sur une ligne non électrifiée. A certaines heures, les TER ne vont pas jusqu’à Ambérieu et ont leur terminus à Bourg en Bresse. De là, les rames sont réutilisées pour assurer des TER entre Bourg en Bresse et Lyon Perrache. La gare de Bourg en Bresse est électrifiée mais, dès sa sortie, la ligne vers Lyon via Villars les Dombes ne l’est pas. Le conducteur passe donc sa rame en mode diesel en gare de Bourg en Bresse. Une fois la Dombes traversée, soit après 58 km de voyage, le train retrouve une voie électrifiée, juste après avoir franchit la gare de Sathonay Rillieux et ce jusqu’à son terminus à Lyon Perrache.

La même rame 81515, à la sortie de Lyon, en mode thermique.
La même rame 81515, à la sortie de Lyon, en mode thermique.

Le changement de mode ne pouvant se faire qu’à l’arrêt, la rame va donc parcourir les dix derniers kilomètres de son voyage en mode diesel alors que la ligne est électrifiée. Voila toute l’ampleur du « scandale » levé par Challenges: sur certaines relations effectuées majoritairement sur ligne non électrifiée, une partie du parcours se fait en mode diesel sous caténaire.

L’article cite le cas des liaisons Lyon – Roanne. C’est le même que celui des Lyon – Bourg en Bresse à la différence que la partie sous caténaire allait de Lyon Perrache à Saint Germain au Mont d’Or ce qui fait vingt kilomètres sur un parcours de 85 km.

Je vous laisse juger de l’exactitude de l’article de Challenges et de l’ampleur du scandale.

Addentum :

Un complément d’information venant de collègues conducteurs d’autres régions. Il existe certains endroits du réseau où le changement de mode de traction est possible en roulant. Cela nécessite par contre de placer la signalisation correspondante suffisamment tôt dans le sens du passage d’une section de ligne sous caténaire à une section non électrifié de façon à pouvoir encore arrêter le train en cas de panne.

Imaginez effectivement que le démarrage du moteur diesel se fasse le plus tard possible, si la traction en mode thermique n’est pas possible, il faut s’en rendre compte avant de ne plus être sous la caténaire. Si ce n’était pas le cas, on se retrouverait avec un train en panne sur la voie et donc la circulation bloquée.