Comprendre les tarifs du train…

Le tarif du train fait parler de plus en plus. Encore ces jours ci, sort une étude d’une association de consommateurs que je vous laisse lire.

Photo CC : donaldtownsend - Flickr
Photo CC : donaldtownsend – Flickr

Au passage, sur les réseaux sociaux, je lis des tas de choses vraies ou fausses sur des prix qui varieraient et augmenteraient sans cesse. Il me semble nécessaire de prendre le temps de faire un peu le tour de tout ça.

Pour aborder le sujet simplement, je ne parlerai ici que des tarifs pour ceux qui voyagent sans carte de réduction.

  • Service public ou offre commerciale ?

Pour bien aborder le sujet, il faut commencer par casser une idée reçue : la SNCF n’est plus un service public. Les français ont voté pour les gouvernements qui voulaient aller vers la libéralisation de certains marchés, dont celui du transport ferroviaire. Les modifications légales allant dans ce sens ont donc été faites. La SNCF n’est donc plus un service public mais une entreprise commerciale.

Photo CC-BY-SA : http://www.frontdegauche-pcfguac-idf.org
Un conseil régional en séance (Photo CC-BY-SA : http://www.frontdegauche-pcfguac-idf.org)

En matière de transport ferroviaire, il subsiste peu de services publics. Il reste les TER/RER mais ils ne sont pas de la responsabilité de la SNCF mais des conseils régionaux ou, sur Paris, du STIF. Certains trains Intercités relèvent encore du service public et sont sous la responsabilité directe de l’état. Dans le cadre de ces services public, les entités élues (CR, STIF ou Etat) sont désignées  « autorité organisatrice des transports » (AOT) et, via une convention de délégation de service public, chargent un prestataire d’assurer leur mission selon un cahier des charges précis en terme de moyens et de dessertes à mettre en place. Dans ce cadre, la SNCF est encore seule à pouvoir répondre aux offres des AOT jusqu’à l’ouverture à la concurrence. L’entreprise est donc un simple sous traitant des AOT qui pourra dans l’avenir être remplacé par un autre prestataire.

Le TGV et les trains Intercités à réservation obligatoire, ne relèvent pas du service public. Ce sont de pures offres commerciales. La SNCF est donc pleinement décisionnaire des moyens et des dessertes mises en place.

  • Deux tarifications :

Découlant de ces différents statuts, les trains sont tarifés de deux façons différentes.

Le service public (TER/RER/Intercités) est placé sous le régime du tarif kilométrique. Le transport coûte un prix déterminé par kilomètre parcouru. Ce prix est calculé en fonction du coût de revient. Plus on va loin, plus on paye. C’est simple et c’est ce qui a très longtemps été appliqué à tous les trains, du temps où la SNCF était un service public.

Les offres commerciales (TGV/Intercités à réservation obligatoire) sont tarifées comme toute offre de n’importe quelle entreprise : en fonction de son coût de revient mais aussi de l’offre et de la demande. Si une relation est très demandée, on va pouvoir pratiquer une marge plus élevée. Sur ces offres, il n’est donc pas question de tarif au kilomètre.

  • TER / RER / Intercités, les AOT s’en mêlent :

Sur les trains relevant du service public, en plus de définir le cahier des charges à suivre par la SNCF, les AOT ont leur mot à dire en matière de tarification.

Elles définissent donc des offres locales. Le cas le plus général est la mise en place de cartes de réductions régionales. Défaut du système, chaque AOT faisant ce qu’elle veut, les cartes sont plus ou moins nombreuses, ouvertes à des profils plus ou moins larges et donnent droit à des réductions plus ou moins importantes selon la région. Ces offres ont également le défaut d’être limitées géographiquement à la seule région émettrice de la carte.

Certaines régions pratiquent également des réductions ponctuelles sur des billets. C’est notamment le cas en PACA qui met régulièrement en vente des billets à 1€ pour ses TER à destination des plages.

Dans tous les cas, ces offres qui amènent à des tarifs en dessous du coût de revient du transport, sont compensées par les AOT à la SNCF. Il serait donc tout à fait possible qu’une région décide la gratuité totale de ses TER si elle prend en charge le coût du transport.

Voila pourquoi, dans le titre de ce billet, j’ai parlé des tarifs « du train » et pas « de la SNCF ».

  • Le yield management : des promos toute l’année.

Sur les trains relevant de sa seule compétence (TGV / Intercités à réservation obligatoire), la SNCF est donc libre de ses tarifs.

Afin d’optimiser le remplissage des trains et sa rentabilité, l’entreprise commerciale a mis en place un système venu du transport aérien : le yield management.

Il s’agit d’un système basé sur un prix variable en fonction du remplissage du train et de l’offre et de la demande. Dit comme ça, on pourrait vite se dire que le même train en fonction de la date et de l’heure pourra avoir des prix totalement différents. C’est faux.

Le système de prix de la SNCF est basé sur le prix en tarif normal sur le train. Ce prix est public et constitue le prix maximum que l’on paiera sur la relation. La liste des tarifs TGV est disponible sous forme de guide disponible en gare ou sur le site de la SNCF en cliquant directement ICI.

  • Un cas pratique, le Paris – Annecy :

L’étude citée en début de billet s’attarde sur le cas de la relation Paris – Annecy. Jetons un oeil aux prix en seconde classe.

Le Paris – Annecy, en seconde classe, est vendu 98€ en tarif normal en période de pointe ou 78€ en période normale. Un voyageur en seconde classe paiera donc au maximum 98€ ou 78€. Ce prix ne pourra changer qu’à l’occasion d’une révision générale de tarif. Il ne sera pas plus élevé pour les vacances d’hiver ou je ne sais quelle autre occasion. Il ne bougera jamais.

En revanche, le guide TGV indique que ce trajet est disponible en Prem’s à partir de 25€ mais aussi en tarif Loisir à partir de 50€. Ce sont sur ces prix réduits que le tarif va bouger. Comment ça marche ?

Le nombre de place par palier de réduction proposé va être différent en fonction de la date de circulation du train. Imaginons le découpage suivant sur un Paris – Annecy circulant en période de pointe :

train01

Plus vous achèterez votre billet tard, plus la réduction diminuera. En effet, les places sont automatiquement proposées au tarif le plus bas au moment de l’achat. Si vous arrivez au début de la vente, vous aurez encore des places à 25€. Si vous attendez un peu plus, vous tomberez sur le quota de places à 50€ puis celui à 65€ et ainsi de suite jusqu’à retomber sur le plein tarif. Voilà comment vous pouvez vous renseigner sur des prix sur un TGV et, le lendemain, lorsque vous arrivez au guichet, ne trouver qu’un prix plus élevé.

A cela s’ajoute l’optimisation du remplissage du train. En fonction de la date, la SNCF sait qu’elle remplira le train plus ou moins facilement. Afin qu’il ne circule pas à vide ou qu’il rapporte plus d’argent, le nombre de places pas palier de réduction variera en fonction de la demande.

Un Paris – Annecy dans l’Ain – Septembre 2012

Prenons toujours ce Paris – Annecy. Un Samedi de Février, il est certain qu’il se remplira plus facilement qu’en plein mois d’Avril. Le découpage de ce train pourra alors se faire comme suit :

train02

Vous le voyez, le tarif normal n’a pas bougé mais les places à tarif réduit sont moins nombreuses. Bien évidemment, les quotas de places à tarif réduit que j’évoque dans cet exemple sont purement fictifs. Leur nombre exact et leur mode de calcul relèvent de la cuisine interne de la direction commerciale et sont hautement confidentiels. Inutile de vous dire que le personnel au guichet n’a aucune information sur ces points.

Pour en revenir au sujet, il n’est donc pas exact de dire que la SNCF augmente ses prix pour Paris – Annecy pendant les vacances d’hiver. Dans la pratique, elle n’augmente pas son prix mais réduit les promotions.

Je sais que l’on me dira que je joue sur les mots mais c’est pourtant la stricte réalité. Il n’est pas question de défendre aveuglément la SNCF mais de remettre les choses à leur vraie place.

Le principe est bien entendu le même pour les places proposées en première classe. C’est ainsi qu’il peut arriver que vous y trouviez des places à un tarif inférieur à ceux de la seconde classe. En effet, si les quotas de place à prix réduit en seconde sont bien entamés, ceux en première peuvent avoir été à peine entamé. De bonnes affaires à faire !

  • Que retenir de tout ça ?

Achetez vos billets de TGV le plus tôt possible, c’est là qu’ils seront le moins cher ! Ce sera toujours ça de gagné pour vous.

Planifiez vos budgets vacances en fonction du vrai prix du transport, c’est à dire le plein tarif donné sur le guide TGV. Vous ne pourrez qu’avoir une bonne surprise en arrivant au guichet.

  • D’un point de vue plus moral, voir politique :

A titre personnel, j’ai toujours trouvé que les tarifications pratiquées par la plupart des entreprises sont devenues « trompeuses ». On nous offre du billet d’avion à 20€ à condition de partir un jour précis, sans bagages et en allant à un aéroport perdu dans la brousse. On nous offre du téléphone illimité dans la limite de X correspondants, de X Go de données par mois. Dans la grande distribution, sans carte de fidélité, on passe son temps à payer plus que le vrai prix des choses.

Bref, les petits prix sont toujours une illusion savamment montée. Le consommateur fini par ne plus connaître le vrai prix des choses. Celui qui ne fait pas attention paye tout trop cher et le petit malin ne paye jamais le vrai prix.

Il est donc dommage que la SNCF se soit lancé là dedans mais pouvons nous lui reprocher d’avoir mis en place un système permettant de remplir ses caisses quand l’ordre venait de gouvernements que nous avons mis en place ?

Doit on lui reprocher de se préparer à la concurrence quand les lois encadrant ces pratiques sont détricotées par les députés que nous avons élu ?

Nous avons voté pour l’ouverture à la concurrence (et certains avec l’arrière pensée de voir la privatisation de la SNCF) pouvons nous nous plaindre qu’elle pratique ce qui se fait sur un marché libéralisé ?

Post Scriptum du 22 août 2014 :

Un petit ajout sur les prix du train en France avec ce graphique d’un comparatif qui vient d’être effectué par l’agence de voyage en ligne Go Euro. Que l’on ne vienne plus nous dire que le train est hors de prix ou que la concurrence et/ou la privatisation font baisser les prix.
indice-du-prix-des-trains-par-goeuro